Le fantôme de Tati et le Ku Klux Klan dans un château

Il se dégage de Sylvie et le fantôme un charme suranné assez savoureux, typique de cette période et de ce genre-là, dans le cadre d'une histoire qui entend faire le portrait romantique d'une jeune fille de 16 ans (jouée de manière assez surréaliste par Odette Joyeux, une femme de 32 ans au moment du tournage, mais passons) et d'un véritable fantôme errant dans le château de son père. Un romantisme doucement désuet, mais à la teneur poétique pas tout à fait tarie, notamment grâce à la présence de Jaques Tati dans le rôle-titre du (vrai) fantôme : voir Monsieur Hulot sous ces traits, c'est assez drôle, il y a un décalage absolument involontaire (enfin, je crois) entre la personne et le personnage qui confère au fantôme en question une présence encore plus étrange.


Un film fantastique tout en douceur, alternant entre différents registres avec une certaine souplesse, à l'image des mouvements amples dudit fantôme qui vole et se meut tranquillement à travers les cloisons, sols et plafonds. C'est parfaitement naïf, mais c'est tellement sincère que ça en devient captivant. Si l'on ajoute à cela des costumes de (faux) fantômes tout droit sortis des placards du Ku Klux Klan, on a là un tableau détonant, détonnant et haut en couleur.


Sylvie et le fantôme tente d'aborder ce thème sous l'angle de la rêverie, avec de nombreux procédés de surimpression (systématique pour représenter le fantôme et ses va-et-vient), appuyant encore davantage son côté suranné, la technique étant déjà antédiluvienne en 1946. Le film est comme enveloppé dans un voile de béatitude touchante, avec l'affrontement très léger entre les deux prétendants (dont l'un est interprété par François Périer, très jeune), et la présence du personnage acariâtre de service dans la peau de la comtesse.


En réalité, tout l'esprit du film est semble-t-il concentré dans une tirade du père à sa fille : "nous souffrons d’un mal incurable : nous ne sommes plus des enfants", lui qui engagera un puis deux puis trois fantômes pour égayer le bal de la soirée organisée pour l'anniversaire de sa fille. Il ne se doutait bien sûr pas des imbroglios et autres quiproquos que cela aller générer... Par moment, le film hésite un peu trop entre ses différents registres et ses différentes composantes, mais le parfum mélancolique et imaginaire qui se dégage de ce pot-pourri, tout comme l'éveil à l'amour et à la sensualité qui l'accompagne, ne sont pas du tout désagréables.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sylvie-et-le-Fantome-de-Claude-Autant-Lara-1946

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le 11 mai 2018

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Morrinson

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