Premier volet du triptyque sur la vengeance de Park Chan-Wook, Sympathy for Mr. Vengeance s'éloigne de la singularité d'un Lady Vengeance pour s'approcher d'une banalité ou plutôt d'une normalité qui le rend plus réaliste mais peut-être aussi moins puissant émotionnellement. Un paradoxe renforcé par la mise en place très lente et quelque peu obscure (mais pas trop) de l'intrigue mais aussi par une réalisation moins folle (quoique toujours de qualité) et des musiques moins réussies.
Là où Lady Vengeance nous montre la vengeance sous un masque de beauté et de féminité, avec la fragilité et les doutes l'accompagnant, ce premier film choisit de nous intégrer dans un cycle de vengeance long, et que l'on pourrait croire sans fin, multipliant les représailles de personnages principaux et de tiers, avec en point d'orgue le croisement des croisades personnelles du jeune sourd et muet et du père de famille en deuil.

Comme souvent lorsqu'un auteur parle de vengeance, que ce soit dans le cinéma ou la littérature, il choisit de faire basculer les choses sur un coup de hasard ; ici c'est un vagabond handicapé mental qui va créer le désordre, et le chaos est donc provoqué dans un monde qui se déroulait jusque là "normalement". En sortant des normes, la routine, la procédure classique est brisée, tout comme elle l'avait été une première fois lors de la rencontre entre le jeune homme aux cheveux verts et les escrocs trafiquants d'organes. Et tout cela résonne comme en concomitance avec l'anarchisme et les idées révolutionnaires de la sœur, dont la volonté est de bousculer les choses établies.

Ce basculement dans le destin des deux hommes n'est pas sans conséquences et les entraîne dans un tourbillon de violence crue, froide et perverse. Pourtant l'on ressent à plusieurs moments de la pitié et l'hésitation dans les gestes des deux justiciers vengeurs. Ainsi après une séquence pleine de maîtrise à la batte de base-ball, Ryu est aussi capable d'atermoiements au moment d'accomplir sa vengeance ultime au devant d'une porte piégée.
Peut-être faut-il l'interpréter comme un bref retour à la normalité, élément cause de perte pour le jeune homme qui finira victime du père auquel la raison échappe ?

Quoiqu'il en soit, et malgré un aspect un peu plus austère et réaliste que chez ses congénères, Sympathy for Mr. Vengeance propose une interprétation valable et tout aussi pertinente de la volonté de vengeance, ses conséquences et ses déclenchements.

Ce qui permet à ce triptyque de se tenir droit et de toiser le spectateur d'une hauteur singulière, armé d'une maîtrise effrayante.
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le 13 juil. 2012

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