Avec T2 TRAINSPOTTING, Danny Boyle porte un regard sincère et touchant sur la prise d’âge de personnages iconiques, mais aussi d’une génération, et peut-être de lui-même.


Il est toujours délicat de se lancer dans la suite d’un film culte sans se laisser déborder. Comment ne pas tomber dans la redite, le trop plein de clins d’œil au premier film ou la perte d’identité ? D’autant plus lorsque vingt ans séparent les deux projets. Réalisé en 1996, Trainspotting, adaptation du roman éponyme d’Irvine Welsh, est rapidement devenu un film générationnel, marqué par la jeunesse écossaise qu’il dépeignait. La génération des années 1990 qui, subissant la crise économique allait oublier son quotidien dans les soirées et dans des addictions, à la drogue ou à l’alcool. Sous la houlette du cinéaste Danny Boyle – pour qui il s’agissait de son deuxième film après Petits meurtres entre amis, et premier gros succès -, Trainspotting aura marqué l’inconscient collectif de par son énergie, son style cinématographique, et surtout ses protagonistes profondément humains et authentiques. Mais si ce premier opus offrait un certain sentiment d’espoir (au moins pour l’un des personnages), T2 TRAINSPOTTING se focalise davantage sur la nostalgie du passé. John Hodge (scénariste) et Danny Boyle décidant judicieusement de s’éloigner (en partie) de la suite littéraire de Welsh, Porno, pour construire un film à la fois dans la lignée de son prédécesseur, car toujours aussi délirant, mais qui fonctionne de manière autonome avec des thématiques nouvelles.


On avait donc quitté Mark Renton (Ewan McGregor) en 1996, partant avec les 15000 livres que lui et ses amis Spud (Ewen Bremner), Simon (Jonny Lee Miller) et Begbie (Robert Carlyle) avaient obtenue de la vente d’héroïne. 20 ans plus tard, Mark revient chez lui, en Ecosse. Les choses ont bien changé, à l’aéroport d’Edimbourg ce sont de jeunes tchèques en mini jupes qui font le tourisme. Coup de vieux immédiat pour Mark qui, dès la première scène est rattrapé par son âge (et son vécu), chutant littéralement en pleine salle de sport en Hollande. De retour dans la maison de son père, sa mère s’en est allée, la chambre de son enfance paraît bien petite désormais, et ce vieux vinyle de Lust for Life d’Iggy Pop qui traîne encore, apparaît comme un vieux démon pour lui. Assez vite Danny Boyle questionne la prise d’âge de ses personnages en pleine crise de la quarantaine ; Simon qui continue de se teindre les cheveux en blond pour faire illusion devant la jeune fille qu’il fréquente, Begbie qui n’arrive plus à bander et réfléchit enfin à sa responsabilité de père, et Spud rapidement à bout de souffle en allant courir avec Mark sur les collines d’Edimbourg.


Mais au fond, on ne peut s’empêcher d’y voir une part de Danny Boyle lui-même, tant T2 TRAINSPOTTING semble parfois faire écho à la vie du réalisateur – comme Mark et Simon, il était resté longtemps brouillé avec Ewan McGregor. Boyle observe ainsi avec beaucoup de mélancolie une vieille amitié, mise à mal par la trahison de Mark. Deux hommes qui se remémoreront des souvenirs de gamins, des premiers matchs de foot, à la première seringue partagée ensemble en passant par les coups de sangs de Begbie. Dans cette relation complexe, pleine de colère et de rancune, Danny Boyle touche et semble le plus sincère. Nous disant que le temps a passé, que la fougue et l’insouciance ont laissé place à une triste réalité.


Au-delà des questionnements de ses personnages (et d’une génération dans son ensemble), démoralisés par le nouveau monde qui a continué d’avancer sans eux, T2 TRAINSPOTTING retrouve le style du premier opus tout en s’en détachant. Si la voix-off d’Ewan McGregor n’est plus présente (logique), Boyle parvient à nouveau à produire une forme de dynamisme. Par l’image (effet de vertige, décors crasseux, montage rythmé, ambiance so scottish…) comme par le son – le Shotgun Mouthwash de High Contrast fait démarrer le film de manière explosive. Une bande originale à nouveau bien réfléchit, longtemps tournée vers le passé (avec Blondie ou The Clash), avant de s’ouvrir à la modernité dans les derniers instants (avec le jeune groupe Wolf Alice, puis un remix de Lust for Life par The Prodigy).


Bien qu’on puisse regretter la tournure un peu longue des événements – une histoire de maison close que tentent d’ouvrir les acolytes, qui fait davantage office de remplissage – T2 TRAINSPOTTING reste efficace et maîtrisé, marqué par certains plans qui resteront en mémoire, et porté par son génial casting d’origine au grand complet. Souvent drôle, voire hilarant dans ses situations les plus folles (comme les retrouvailles de Mark et Begbie dans les toilettes d’une boîte de nuit), il parvient surtout à reproduire un attachement pour des personnages qui ne nous ont jamais vraiment quitté. Ainsi, Danny Boyle évite de passer pour un opportuniste avec cette suite. La rendant toujours aussi personnelle et en résonance avec ce qui la précède.


Par Pierre Siclier, pour Le Blog du Cinéma

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le 26 févr. 2017

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