Trainspotting est mon film favori, alors quand j’ai entendu les premières rumeurs sur une éventuelle suite, forcément j’étais excitée, surtout autant d’années après le premier volet. Je suis allée le voir en avant-première, lors d’une soirée dédiée aux deux opus.
Je n’ai pas encore lu les bouquins desquels sont adaptés les deux livres, donc ma critique ne sera pas sur l’adaptation de Porno à l’écran mais sur le film en lui-même.


La bande-annonce de T2 est vive, déchainée, jubilatoire, d’abord parce-que je retrouve ma bande de potes favorite, les cheveux blanc de Sick Boy et l’accent écossais (bien que plus naturel dans T1), également pour le génie d’avoir mis Underworld en musique de fond dès le début, histoire de nous rappeler la jouissance auditive qu’était Trainspotting 1, puis pour « choose life », nous replongeant immédiatement dans le premier opus. La question ultime que tout spectateur se pose en attendant une suite à Trainspotting : « do you still take heroin? » est abordée ; la présentation des personnages se fait petit à petit : d’abord Renton, ensuite Sick Boy, puis Spud et son air brave, enfin l’apparition de Begbie, aussi explosive que son caractère. Il y a de la drogue dans la bande-annonce : cocaïne, weed, héroïne en 2:20 à peine, on voit Spud tombant dans le vide comme s’il planait à balle, Sick Boy et Renton enfonçant l’aiguille comme au bon vieux temps et Begbie toujours aussi accro à la violence. Le graphisme propre à Trainspotting 1 est également retrouvé, aussi bien que le thème du foot, de l’addiction « you’re an addict, so be addicted… » et du cul. On a même droit au légendaire sourire de Renton la main sur une voiture exactement comme au début de T1, cette fois à la fin de la bande-annonce. En bref, la bande-annonce est excitante, elle fait envie, elle est réussie.


Si je me suis aussi longtemps attardée sur le descriptif de la BA, c’est pour énoncer ma déception quant au film en lui-même. Vous me direz, les bandes annonces sont toutes les mêmes : elles ont pour but de faire envie, d’attirer le spectateur, mais pour les mauvais films on en trouve souvent tous les points positifs en quelques minutes de bande-annonce.
C’est un peu ce qu’il se passe avec T2…


De manière générale, je trouve le deuxième opus trop bloqué dans le premier. Ce qui aurait pu être une bonne chose si le reste du film était au même niveau, mais là les inserts du premier opus rappellent combien en 1996 c’était meilleur… Car T2 est bloqué dans le passé mais pas dans les éléments fondateurs du film, il a perdu ce qui faisait le charme du début, à savoir la drogue, le grand n’importe quoi, le manque de sérieux et surtout la fougue de la jeunesse.
Dans Trainspotting, on nous présente quatre jeunes paumés, qui n’ont pas de but dans la vie et échappent aux règles de la société en planant sur l’héroïne (et Iggy Pop). Qui dit drogue dit besoin d’argent pour se shooter. La fin justifie les moyens : ils (se) font des coups bas pour obtenir leur précieux. Bref ils s’éclatent à leur façon, ils sont vivants mais ailleurs, ils s’adorent mais se trahissent dès qu’ils le peuvent, ils sont insouciants.
T2 se passe 20 ans après, alors il s’agit forcément de ces quatre potes grandis, éloignés. Chacun a fait sa vie, a oublié la drogue et les plans foireux. « You’re an addict. So be addicted to something else », dit Renton à Spud. Le livre s’appelle bien « Porno », donc on s’attend à ce que l’addiction soit éponyme. Effectivement, l’enjeu (second) du deuxième opus est le business de Sick Boy qui fait du chantage sur des vidéos porno amateurs grâce auquel il gagne sa vie pour se shooter… à la cocaïne (drogue banale, vue et revue et T2 n’apporte rien d’innovateur). T1 nous montrait la façon de vivre des camés, le choix de le devenir, l’injection du liquide dans le bras, les plaisirs et les risques de la came. T2 c’est un Sick Boy qui sniffe dans les chiottes après son service, on ne sait pas trop pourquoi (dans le 1 il y a de longues tirades qui expliquent le choix de l’héroïne). Pas de découverte de nouvelles drogues (ce dont on aurait pu supposer quand dans le 1 Renton parle du monde qui change, des nouvelles musiques, des nouvelles fringues, des nouvelles filles et des nouvelles drogues). Pas grand intérêt à voir Sick Boy se shooter donc, si ce n’est de « rester dans le thème ». Spud est le seul à être resté accro à l’héroïne, pourtant il décroche très vite (après de looongues minutes de pathos pas crédibles car survolées, alors que la scène métaphorique de son suicide est sublime), comme si arrêter l’héroïne c’était comme arrêter le chocolat (ai-je vraiment dit ça ?). Scène que je n’ai d’ailleurs pas comprise au montage puisqu’elle est en plein milieu et n’apporte rien à la narration. Begbie lui a accentué sa dépendance à la violence : il fait des casses et va même jusqu’à embarquer son fils dans ses magouilles alors que ce dernier se dessinait un chemin bien rangé et sage dans l’hôtellerie management. Renton quant à lui a décroché.
20 ans après, il y a forcément quelques changements. Mais j’imaginais que si plus jeune on choisit les plans foireux, une fois adulte on garde un certain goût de l’aventure. Il y a un peu de folie (je pense notamment à l’affrontement entre Begbie et Renton dans un parking souterrain), mais trop peu. On reste sur notre faim, on attend que quelque chose se passe. Chaque moment de délire est exaltant justement parce-qu’il n’y en a pas assez. Si Trainspotting était aussi bon c’est parce-que le film entier était un délire. Un délire maîtrisé et une histoire bien racontée : l’héroïne c’est orgasmique mais ça déresponsabilise et c’est un enfer pour en sortir. Le dramatique était concret et utile au film. Dans T2, il y a une pluie de pathos très dérangeante, forcée. Pourquoi diable mentionne-t-on le père –alcoolique- de Begbie ? Quel intérêt d’en parler 2 secondes comme une idée de dernier moment pour ensuite ne plus le mentionner de tout le film ? Le pathos était maîtrisé et valable dans T1, pas naturel dans T2. En voulant trop creuser dans le drame de certains personnages on les décrédibilise presque (Spud, Begbie) alors que d’autres sont au contraire justement exploités : Sick Boy reste le connard fidèle à lui-même et Renton le plus sensé de la bande (à son échelle). Si certains personnages sont trop creusés, dommage que l’on n’ait pas laissé leur chance à d’autres, telle que Diane.


Ceci dit, c’est un plaisir absolu que de retrouver cette bande de loosers 20 ans après et que tous les acteurs du premier opus aient accepté de revenir incarner ces camés attachants. Les références subtiles au premier opus sont un plaisir : je pense à ce moment où Renton sort de la boite en miroir comme il sortait des chiottes d’Edimburgh après avoir trouvé son suppo d’opium dans les fonds excrémentiels de l’Ecosse.


Enfin, un élément majeur de mon amour pour Trainspotting 1 est évidemment l’OST. Ce film est un concert à lui seul. Ici, le choix des musiques, bien que trop répétitivement in puis hors-champ ou inversement, est toujours aussi bon, chacune est adaptée. Et quel talent que de jouer sur nos nerfs en passant la première demi seconde de « Lust for life » au début du film pour finir en beauté et boucler la boucle avec le morceau en entier à la toute fin sur un générique ferroviaire psychédélique criant au spectateur « défonce-toi avec nous ».

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le 27 févr. 2017

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