Cette comédie aurait-elle déclenché une anesthésie générale du cœur telle que sa réception pâtisse d’aussi mauvaises critiques, tantôt remplies d’une détestation infondée, tantôt refusant en bloc la peinture fidèle d’un âge qui se cherche, qui se trompe, qui se caricature pour mieux se construire ? La première chose qui frappe, lorsque nous découvrons T’as Pécho ?, est que le titre fonctionne comme un leurre : il laisse présager une production grossière et industrielle qui surfe sur la vague du teen movie à la française ; pourtant, il n’en est rien, car le cœur battant du long métrage se fait entendre dans le renversement progressif des rôles qui sont d’abord des stéréotypes – les losers de l’amour, la belle fille populaire, le petit-ami beau gosse et sportif, la mère maladroite – pour peu à peu se complexifier et s’ouvrir à ce vertige du sentiment amoureux dans ce qu’il peut avoir de plus terrassant, épuisant, dévastateur.


Aubin associe justement l’appétit à l’amour : manger davantage devient l’expression d’un feu intérieur qui consume l’être ; et pour le traduire à l’écran, la réalisatrice croque ses personnages en composant des gros plans magnifiques. Rarement Vincent Macaigne a été si beau, Ramzy Bédia si touchant, l’adolescence si proche de nous, sincère, authentique : la caméra capte des fragments d’instants qui paraissent éternels, un sourire esquissé, un battement de cils, un silence, un baiser dont la facticité n’est qu’apparente. Le film sonde ce territoire opaque et mouvant qu’est le cœur adolescent, ose s’emparer du corps comme d’une matière sensuelle et personnelle, en témoignent la nudité partielle ou totale des acteurs, les séquences de sexe, réalisées avec talent, qui surprennent dans ce genre de production.


Tout T’as Pécho ? pourrait se résumer au plan de clausule : Arthur s’en va, le casque bleu sur les oreilles, et découvre en se retournant Ouassima, jusqu’alors dissimulée par sa présence. Du corps singulier au corps partagé, de l’illusion à la réalité, le film emporte et émeut. Portée par de très bons acteurs, voilà une belle réussite dans le paysage cinématographique et populaire français, qui laisse attendre le prochain long métrage d’Adeline Picault avec impatience.

Fêtons_le_cinéma
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le 30 nov. 2020

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