Avant de commencer cette critique, je tiens à dire que c'est le premier film que je vois de Sion Sono et que Tag m'a clairement donné envie de voir le reste de sa filmographie.
Curieux film qui se cache derrière Tag, dont l'envie de le regarder m'est venue après avoir découvert cette fameuse scène du début, où tout un bus rempli d'écolières se fait littéralement couper en deux, rappelant la scène de début du Vaisseau de l'Angoisse (un film qu'il était pas bien, sauf pour cette scène), le tout dans une pluie de plumes d'oreiller, quelque chose de presque onirique !
Le pitch est tel qu'expliqué sur la fiche du film, une jeune écolière voit ses amies mourir et revivre en boucle pour des raisons obscures, elle va donc chercher à comprendre pourquoi. C'est une structure assez casse-gueule, issue du mythe de Prométhée, sur laquelle beaucoup de réals se sont vautrés assez facilement, en enfermant leur oeuvre dans un labyrinthe ennuyeux. Sono n'échappe pas à la règle, et il fait malheureusement tourné son film en rond, il y a vingt bonnes minutes qui auraient pu passer à la trappe, je pense.
Pourtant, le film est loin d'être mauvais, déjà par le message qu'il véhicule, sur la détresse des femmes et leur place dans la société japonaise. Il est accompagné d'images assez fortes, notamment le mariage mais surtout la scène de fin (spoiler plus bas). D'ailleurs, tout le film est rempli de plan géniaux et parfois "poétiques" (on voit clairement l'image qu'avait le réalisateur en tête au moment de l'écriture) et il est clair que Sono a un sacré talent, surtout avec l'utilisation presque à outrance des caméras drones. Afin de contraster avec ces instants souvent très jolis, le film s'éclate aussi à nous balancer un peu d'ultra-violence, et comme au tout début, dans une ambiance presque "drolatique". Ce qui arrive est souvent cruel et pourtant on se marre (un peu comme dans Monthy Python). C'est souvent gratuit mais pas inintéressant pour autant, l'idée étant de grossir le trait et d'expliquer la "violence" que vit une femme au Japon si elle transgresse les "règles" imposées par la société (Mitsuko sèche les cours > scène de violence ; Keiko ne veut pas se marier > scène de violence etc.) avec une application littérale du combat des femmes pour leur indépendance (et donc, de la bagarre).
D'ailleurs, j'en profite pour expliquer un peu pourquoi la fin est parfaite dans ce qu'elle exprime. Mitsuko arrive dans une grotte où un petit vieux joue à un jeu ce qui semble être le film qu'on vient de voir, avec les différentes scènes de violence. Le vieux représente la tradition, les vieilles pensées du Japon, où la femme est soumise à l'Homme et n'est là que pour le divertir et lui faire à manger. Le vieux dit d'ailleurs qu'il a utilisé son ADN pour recréer des mondes qui divertiront les hommes (on a vu une affiche de jeu vidéo représentant Mitsuko juste avant, dans le monde des mâles) et on arrive au moment où un homme débarque, se déshabille, va sur un lit et lui dit de venir avant de commencer ce qui s'annonce comme une scène de viol. Mais Mitsuko se rebelle, éventre l'homme et se suicide. Ce dernier geste est entièrement symbolique : les règles sont simple : les jeunes filles doivent tuer ou être tuées. En se suicidant, elles passent outre et s'émancipent des règles afin d'obtenir leur liberté.
Enfin, j'aimerais parler des actrices. Car oui, le casting est essentiellement féminin pour des raisons scénaristiques (quelques acteurs/figurants apparaissent, mais ils servent plus l'intrigue qu'autre chose). Et c'est très plaisant, car elles sont toutes assez convaincantes. On peut ne pas apprécier les dialogues, mais toutes croient vraiment à ce qu'elles font et ce qu'elle jouent. Ça se ressent et ça fait plaisir !
Pour conclure, je dirais que Tag est une bonne surprise, surtout après les avis de proches qui parlaient d'un film moyen tout au plus. Il est clair que ce n'est pas le film de l'année, ni même un chef-d'oeuvre, et si vous êtes un allergique du cinéma japonais, ça risque de mal passer. Mais sinon, ça reste un bon divertissement, que vous pourrez aussi bien apprécier seul pour le fond et la forme qu'entre potes, entourés de petites boissons houblonnées, où les différentes scènes de violence vous feront marrer (mais dans le bon sens du terme).