Avec son nouveau film Tale of Tales, Matteo Garrone prétendait adapter Le Conte des contes de Giambattista Basile, recueil regroupant une cinquantaine de contes différents. Sorcière, ogres et fées se mélangent à la violence et à l’érotisme pour former 49 contes napolitains pour adultes, partant tous d’un premier conte servant de cadre à tous les autres.


Tale of Tales, c’est donc trois contes pour adultes. Il est vrai qu’entre une reine (Salma Hayek) qui mange un cœur pour avoir un enfant, un roi à la sexualité totalement déviante (Vincent Cassel, bien sûr), une puce géante et une princesse violée par un ogre, on est loin de nos enfantins « Il était une fois […] Il vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Mais aucun problème de ce côté là. Chaque conte est intéressant, bien pensé, original. Dommage que le film soit mal fichu.


En effet, si chaque conte pris à part peut se montrer digne d’intérêt, le film dans son intégralité n’est qu’une mayonnaise qui ne prend pas. Le désir du réalisateur de filmer trois contes dans un même film gâche chaque histoire. Résultat, aucun conte ne semble réellement approfondi. On aimerait par exemple voir la naissance de l’amitié entre les « jumeaux », pour comprendre cet attachement si fort qu’on ne nous explique pas. Chaque conte est en fait survolé, et pire que ça la fin est plus plate que tout le film lui même. Donc, en plus de n’avoir que des moitiés d’histoires, elles ne nous offrent même pas une véritable fin mais plutôt une scène finale bidon où tous les personnages du film sont réunis pour nous offrir un semblant de morale où chaque « méchant » est puni (à part le roi pervers qui ne se prend rien, mais nous y reviendrons plus bas).
D’ailleurs, pourquoi sont-ils tous réunis ? C’est le seul moment du film où l’on suggère un lien entre tout ces personnages. Lien qui du coup est inexpliqué. Dommage, car lorsque je vais voir un film intitulé Tales of Tales je m’attends effectivement a voir des contes dans un conte, et donc des histoires et des personnages que se croisent, se complètent, s’affrontent. Mais il n’en est rien. Vous passez tout le film à subir une sorte de montage brutal où l’on passe d’un conte à un autre puis à un autre pour revenir au premier et ainsi de suite. Résultat, pas le temps de s’attacher aux personnages, ou d’approfondir le récit. Alors que vous commencez tout juste à vous intéresser à l’histoire, elle est coupée nette et la suivante reprend très lentement son cours. Aucune raison à cette coupure, aucun lien entre les deux histoire qui se suivent. Rien. Vous vivez la même frustration qu’à chaque fin de série américaine où vous devez attendre un an avant de savoir qui donc a survécu à X horrible catastrophe. Car oui, le temps passe très lentement. Et à chaque que vous réussissez enfin à vous ré-intéresser au conte, on vous inflige cette coupure inexpliquée et frustrante.


Il y a pourtant bien un faible lien entre ces trois contes. Un lien rébarbatif dont on se serait bien passer. La femme. Ou plutôt une réflexion sur la femme et les névroses qui l’accompagnent au cours de sa vie. Voici donc la femme en trois étapes : une jeune fille brûlant d’un désir de grandir qui la perdra, une femme prête à toutes les cruautés pour devenir mère (quelle jolie vision de l’instinct maternel), et deux vieilles femmes n’acceptant pas le vieillissement de leur corps. Encore une fois, merci pour ces trois clichés qu’on ne nous a pas déjà resservi à toutes les sauces.
Merci aussi, pour la fin du film où le roi pervers s’en sors sans punition tandis que la pauvre vieille qui avait retrouvé sa beauté voit sa peau se rider à nouveau. Certes, elle n’est pas toute blanche dans ce film, mais on aurait pu au moins s’attendre à ce que le roi soit puni pour sa cruauté. Malheureusement, seules les femmes seront jugées dans ce film.


Visuellement, ce film est superbe (à l’exception des quelques effets spéciaux ridiculement nuls). Les costumes sont beaux, l’image est magnifiquement traitée avec des décors baignant dans une lumière parfaitement calculée. Mais la sauce ne prenant pas, on se retrouve face une superbe coquille vide. Matteo Garrone écrase le récit pour préférer nous conter des images.


La seule chose qu’on se dit en sortant de la salle, c’est « Dommage… ».


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Elsa_Badoc
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le 15 juil. 2015

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Little Dust

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