===ATTENTION=== Comme j'ai écrit beaucoup, sans doute trop, et contrairement à une habitude, je vous offre des titres, histoire que vous vous repériez facilement. Ne me remerciez pas, c'est tout naturel de vous permettre de violer l'intégrité de mon texte, non vraiment allez-y.

Nan sérieux, faudrait que j'arrête de taper au kilomètre, vous gênez surtout pas.

===

Scorsese est une putain d'enflure.

Oui, je persiste et signe. Et tous les gens qui l'ont aidé c'est pareil, scénaristes et acteurs. Cet espèce de méchant monsieur, il m'a baladé tout le film en refusant absolument de me dire qu'est-ce qu'il voulait dire pour de vrai.

Alors comme je suis bête, j'ai décidé que c'était un film raciste, réac, qui glorifie la peine de mort et qui encourage tout un chacun de se payer un flingue pour descendre le plus mauvais type qu'il connaisse (un adorateur de chats par exemple).

Sauf qu'en fait non. On va faire semblant que je suis un peu plus intelligent que ça, juste pour le fun.

Commençons par là où il faut commencer, et je vous emmerde, j'écris encore comme je veux.

RÉSUMÉ

Travis est un vétéran du Vietnam, insomniaque et qui s'emmerde méchamment. Alors il devient conducteur de taxi la nuit, il accepte d'aller partout, il prend même les noirs contrairement à beaucoup de ses collègues. Harlem, le Bronx, ça le dérange pas. Autant dire qu'il côtoie plein de gens géniaux. Il a l'habitude de tenir un journal de tout ce qui lui arrive. Un jour, il passe devant le bureau de campagne d'un sénateur qui aimerait bien poser ses fesses dans le bureau ovale, histoire de faire semblant d'être quelqu'un d'important avec des gens qui feront semblant qu'il est quelqu'un d'important. Et il aperçoit une jolie demoiselle, qui incarne pour lui un genre de phare dans l'océan de noirceur qui est son pain quotidien. Il tente sa chance, parce que bon, il est pas laid, il est jeune, elle aussi, et il aimerait bien pouvoir contempler cette lumière quand il rentre chez lui, surtout qu'elle traine avec un pote de bureau qu'a pas l'air cool, et ça lui plait pas à Travis, il aimerait bien que tout le monde soit gentil avec tout le monde, parce que c'est un gars foncièrement honnête en fait. Sa franchise est d'ailleurs sans doute sa meilleure arme, avec sa gentillesse, et la donzelle accepte un rendez-vous. Travis se met sur son 31 (la flemme d'écrire le mot en entier, mais pour rétablir mon karma j'écris une phrase inutile comme ça je serai pas réincarné en lombric), et l'invite à sortir, lui avouant en toute franchise qu'il y connait que dalle en films. De fait, il se trouve que le truc qu'il l'a emmené voir était un porno italien de toute beauté (j'y connais rien en porno italien ceci dit)... Dégoûtée, elle le plante là, tandis que lui se demande où il a merdé. Et il continue sa vie pèpère. Un jour, une pute qui est de toute évidence très loin d'avoir l'âge pour ce genre de joyeusetés grimpe dans son taxi et lui demande de démarrer. Mais elle est rattrapée par son mac qui la sort de là. Et Travis pense, pense, pense, comme Winnie l'Ourson. Il rumine des idées noires, et... finalement, il décide de s'armer. Sculpter son corps. Être prêt à agir dans n'importe quelle situation. D'ailleurs, un jour qu'il traine dans une épicerie, elle se fait braquer, et lui décide d'exécuter le contrevenant. Travis recroise la pute underage, et il finit par se la payer, histoire de causer avec elle. Parce qu'il veut la sortir de là.

La suite, je la raconterai pas, j'en ai peut-être même déjà trop dit. Sachez seulement que Travis va aller jusqu'au bout de ses idées.

FORME

Avant de partir dans le lyrisme, attaquons-nous à la forme. Putain qu'est-ce que c'est beau. Certains passages sont longuets, mais je ne crois pas que ce soit anodin. Je suis pas très jazz, aussi, mais faut reconnaitre que la musique est belle. Les plans sont beau, la qualité visuelle est impressionnante, tout est soigné aux petits oignons. J'ai l'habitude quand je regarde un film de faire autre chose en même temps, comme jouer à un jeu, histoire d'occuper l'entièreté de mon cerveau. J'ai cessé au bout de quelques minutes pour me concentrer intensément sur ce qui défilait sur mon écran. Y compris le jeu d'acteur. De Niro nous sort le grand jeu, J'adhère à 100% à ce qu'il nous fait dans ce film. On sent une grande sensibilité dans son travail, et si, à l'inverse de certains films, le but n'est pas de nous mettre dans la tête du héros, l'on suit toutefois chacun de ses déboires, plus comme si c'était un pote et qu'il nous racontait sa vie. Les autres acteurs ne sont pas en reste, et je suis d'ailleurs très impressionné par Jodie Foster, qui à 12 ans est très loin de jouer comme une chaussette (c'est autre chose que les gosses de Poudlard *tousse* à leur décharge, ils ont rarement eu une équipe comme celle de Taxi Driver pour les épauler). Aussi, c'est très bien écrit, les dialogues sont certainement des chefs-d'oeuvre du genre.

C'est fait, j'ai évacué la partie chiante? Ok, j'ai le droit de dire des conneries maintenant.

FOND

Putain de film. Il m'énerve. Ils m'énervent. Les gars, franchement, je voulais un film bien facile, un truc où à la fin, il est écrit en gros "La morale de cette histoire c'est qu'il faut pas faire de croche-pattes aux petites vieilles qui traversent devant un semi-remorque", ou "Les chats, c'est meilleur à la friture". Mais nan, il faut que vous fassiez genre que vous êtes plus malin que tout le monde, pas vrai? On souffle le chaud et le froid, on nous met un personnage principal complètement dépressif et hanté par des pensées que ne renieraient pas les plus dégénérés des skinheads? Et en plus il est pas très malin mais en fait il est gentil dans sa tête? Et puis, c'est quoi ces situations ambigues? Pourquoi il s'amuse à faire chier le service de sécurité du sénateur, pourquoi la fin est cryptique, pourquoi il y a du putain de jazz tout le temps?

La réponse est simple, parce que c'est un putain de chef-d'oeuvre.

Travis a passé des mois dans les brouissailles à débusquer des types qui emploient des tactiques de guérilla inhumaines, il a probablement vu des gars se vider de leur boyaux, des corps cramer au napalm, des enfants farcis aux explosifs. Des jours durant, l'adrénaline a transformé son cerveau en volcan.

Et puis il est rentré au pays. Il a vu des gens se prendre pour des êtres sociaux, en costume pour le boulot et habillés casual pour sortir. Il a dû changer de rythme, ne plus se demander où était l'ennemi, ne plus avoir constamment le doigt sur la gâchette. Il a dû prendre le temps de vivre. En tant que vétéran, il a touché une pension, du coup il avait à peine besoin de travailler pour subvenir à ses besoins. Il a tourné en rond dans sa chambre comme un con, sans personne à entretenir, sans rien à faire, à essayer de faire comme s'il pouvait encore simplement sortir dans la rue et marcher au pas, s'occuper, faire les trucs que les gens font, vivre sa vie, ou simplement dormir. Alors il s'est occupé. Il a essayé le porno, mais faut bien dire ce qui est, ça n'a rien d'exaltant, il n'y a rien à faire, juste avancer le cash et s'astiquer. Si bien qu'il s'est retrouvé à faire des avances aux vendeuses des cinémas de cul plutôt que de se mater les films. Du coup, il est devenu taxi.

Et puis, il a vu l'ennemi. Il a vu des gens faire du mal à d'autres gens, il a vu des putes, des macs, des gangsters, des mecs prêts à vendre père et mère. Il a vu l'inefficacité d'un système qui n'a même rien tenté de faire pour empêcher les gens de s'entretuer dans les rues ou d'asservir d'autres gens. Il a vu des mecs vivre dans des poubelles, des prostituées à peine pubères, des loques vivantes, des malheureux partout.

Là, il a vu la lumière. La meuf, elle était belle comme tout, vive et délicate, engagée, elle l'a convaincu d'encourager les gens pour voter pour ce sénateur, il allait changer les choses ce monsieur. Il a invité la fille, elle a dit oui, il a voulu lui faire plaisir, et elle lui a dit merde. Lui qui a dit à tout le monde de voter Palantine, lui qui s'est mis en costume pour elle, lui qui a même rencontré le sénateur et qui a causé avec lui. Il lui a même demandé ce qui n'allait pas, dans ce pays, et Travis lui a répondu que c'était la merde dans la rue et qu'il fallait que quelqu'un s'occupe de ça. Travis a cru la meuf, il croyait qu'il changerait les choses, mais il a bien vu que le sénateur était évasif devant sa réponse.

Travis y avait cru. Et on lui a craché à la figure. Elle ne lui a même pas laissé une seconde chance. Alors Travis était perdu. De seul, il est passé à désepérément seul. Aucun but dans la vie, rien à faire, personne qui voulait rien changer alors que la pourriture s'étale dans la rue sans que quiconque réagisse. Et il a vu cette enfant, qui a voulu s'en sortir. Qui a voulu sortir de la boue, rattrapée par un mac qui n'allait certainement pas laisser son attrape-pédophiles se tirer sans demander son reste.

Et Travis a changé. Il a décidé de mettre à profit ce qu'il avait appris pendant la guerre, discipline et maitrise du combat. Si quelque chose arrivait, il serait prêt à réagir. Il est allé trouver un des gardes du corps du sénateur. Le mec attendait l'arrivée de son patron, et Travis lui a causé, à ce mec qui n'avait rien d'autre à foutre de sa vie de serviteur des intérêts de la nation que de faire la plante en attendant qu'un politicard déverse sa diarrhée verbale pour attirer les mouches. Il s'est foutu de sa gueule, et l'autre n'a rien pu faire. Un putain d'incapable. Alors que Travis, lui, n'attendait que le moment d'agir.

Comme cette fois, où un épicier s'est fait braqué devant ses yeux. Travis était prêt. Un couteau au mollet, un flingue à l'autre mollet, un à la taille, un dans la manche, et un dernier sous sa chemise. Il n'a eu qu'à en prendre un et faire sauter la cervelle du braqueur sans qu'il puisse réagir. C'était aussi simple que ça, et personne le faisait.

Alors, il s'est dit qu'il pouvait faire mieux. Il pouvait sortir cette fille du trottoir, la retrouver, l'aider à quitter cette vie. Travis l'a retrouvée, c'était facile, son mac ne cachait absolument pas son activité. Il a causé à la fille, il a voulu l'emmener avec lui. Un mot de sa part, et il aurait descendu tous les mecs du bordel, il aurait roulé jusque chez ses parents, et il se serait sans doute même rendu aux flics, de toute façon il savait que ce qu'il faisait était juste, on le récompenserait. Mais elle lui a dit non, elle voulait pas revoir ses parents, elle voulait pas quitter Sport, son mac, parce qu'elle avait nulle part où aller et qu'au moins il la battait pas.

===ATTENTION=== Ami lecteur, toi qui as eu le courage de lire mes inepties jusqu'ici, toi qui aimerais bien passer à autre chose, je te lance un avertissement: si tu n'as pas vu le film, arrête ici ta lecture, tu es libéré, car j'ai déjà raconté une bonne partie du film, mais ici ça devient clairement du TRÈS GROS SPOIL.

Bon. Travis était un peu interloqué, mais la fille a bien vu qu'il voulair l'aider, qu'il était gentil, alors elle accepte de le revoir, et il constate qu'elle est pas si mal logée que ça, elle vit pas dans ue cage, elle peut plus ou moins aller et venir, et ça l'énerve. Ca l'énerve, car c'est pas un western, il suffit pas de flinguer les méchants pour que l'histoire soit finie. C'est pas tout blanc ou tout noir, et en l'occurrence, la débarrasser de son mac aurait pour seule conséquence de la foutre à la rue, et qui sait de tomber entre les mains d'un mec bien pire que Sport, cette enflure qui lui sort par les yeux par sa simple existence.

Travis finit de disjoncter. Il sait pas trop ce qu'il veut faire, mais il refuse d'accepter ce système. Il emprunte le sentier de la guerre. Il part voir le sénateur, armé jusqu'aux dents. Il sait pas trop ce qu'il va faire, mais il entend toute cette bullshit, ces promesses creuses sortir de la bouche de ce menteur en costume cravate. Il voulait agir, alors en avant. Il fend la foule, se dirige vers le sénateur sur le départ, s'apprête à sortir son flingue mais est repéré bien avant d'avoir le temps même de devenir une menace. Il n'a que le temps de s'enfuir avant d'être pris, et quel plaisir d'échapper au service de sécurité aussi facilement.

Il aurait pu. C'était facile. Il a pris son pied.

Mais Travis est fatigué. Travis ne veut plus vivre dans ce monde, ou alors le monde doit changer. Travis va au bordel, c'est facile. Sport se prend pour quelqu'un, c'est juste un sac de viande. Il tue Sport. Il tue le connard qui tient le lupanar, c'est dommage, il aurait bien aimé le laisser survivre après l'avoir bousillé, mais l'enculé s'accrochait, alors bon, tant pis. Il tue tous ceux qui se mettent sur son passage, et il tente de mettre fin à ses souffrances avant qu'Iris,la fille qu'il voulait aider, ne se rende même compte qu'il était Travis. Mais plus de balles, et un flingue enrayé. Dommage, mais de toute façon il se vide déjà de son sang. Les flics arrivent, constatent le bain de sang, et voient le sourire sur les lèvres de Travis, qui se fout de leur gueule, eux qui se sont dépêché de venir à la rescousse de maquereaux se faisant lâchement exterminer. Travis se fout de leur gueule, et peu importe, ce qui arrive après.

Après son coma, il est un héros. Les parents d'Iris le remercient, la femme qu'il aime l'admire, les gens se sont armés contre les vermines, et Travis continue d'être un honnête taxi.

Ou peut-être est-il déjà mort...

C'EST LA FIN, COURAGE VOUS Y ÊTES PRESQUE

Pfiou. Pourquoi j'ai tout raconté par le menu, du point de vue de Travis? Parce qu'il faut essayer de comprendre. Travis n'est pas un monstre. Travis n'est pas un héros. C'est juste un homme ordinaire, qui a essayé d'être honnête, qui a toujours été quelqu'un de droit et d'honnête, qui a servi son pays, qui a un fort sens du bien et du mal. Le problème, c'est le monde autour de lui. Un monde individualiste, contrefait, violent, méprisable. Au Vietnam, il croyait faire quelque chose de bien. Il a combattu avec des frères, il a descendu des natifs qui, s'ils luttaient contre l'agresseur (de leur point de vue), n'hésitaient pas néanmoins à recourir aux pires atrocités pour détruire l'adversaire. À l'armée, Travis a appris à identifier l'ennemi et à le combattre. Et il s'est retrouvé dans un monde qui refusait cette logique pourtant simple.

Alors oui, sa méthode n'est pas la bonne, et sa grille de lecture du monde est simpliste. Mais si tout le monde avait tenu sa place, si les hommes politiques avaient été aussi droits et honnêtes que lui, si tout le monde avait rempli sa part de la mission, il n'aurait pas eu à prendre les armes.

Taxi Driver est un film puissant, provocateur, qui se moque méchamment du spectateur du début à la fin, un peu anarchiste, un peu pessimiste, très juste et profond, et à la réalisation sans faille.

Monsieur Scorsese, merci d'exister. À toute son équipe, je vous ai un peu insulté, mais merci également.

Bordel, c'est un bon film.
Antevre
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le 21 mai 2013

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