Voir « Tchao Pantin » pour Coluche ? Oui, mais le film ne se résume pas à une simple composition émouvante. Il y a par exemple l’éclairage de Bruno Nuytten et les décors d’Alexandre Trauner qui donnent une ambiance franchement réussie. L’essentiel du film se passe de nuit ce qui n’est pas évident. Eh bien, dès les premiers plans Claude Berri fait sentir l’atmosphère de ces quartiers de Paris et proche banlieue.

Il centre son film autour de Lambert (Coluche), Bensoussan (Richard Anconina) et Lola (Agnès Soral). Ces 3 là se révèlent progressivement et très naturellement. Lambert est le type brisé par la vie (famille et travail) qui va jusqu’à dire qu’il est déjà mort. Bensoussan est un jeune dealer qui traficote aussi du côté des mobylettes et motos. Quant à Lola c’est la jeune punkette qui se la joue destroy alors qu’elle a un cœur d’artichaut.

Au tout début, Bensoussan en panne avec sa mob sous la pluie (avec les flics en voiture derrière lui) échoue dans une station-service de quartier. Une enseigne désormais bien connue pour son slogan « Vous ne viendrez plus chez nous par hasard. » Effectivement, depuis il y a eu du boulot ! Bref, Bensoussan tombe sur Lambert (Cela aurait pu être « Le retour de Gérard Lambert » Ta Ta Tin… mais son prénom est Norbert) et une relation du type père-fils se met en place par quelques échanges de regards et de paroles. Lambert n’a plus parlé à personne depuis 5 ans alors que Bensoussan vit seul dans un appartement miteux à une centaine de mètres de là. Un peu d’entraide les rapproche.

Chez lui, Bensoussan planque des billets dans des livres. Une collection encyclopédique bien connue qu’il prétend avoir tous lus ! Mais Bensoussan est coincé entre son fournisseur Rachid, ses dettes et ses envies de sortir avec des filles. A la Bastille (on aperçoit au loin le fameux restaurant « La Tour d’argent ») Il frime un peu en abordant Lola, les mains sur le guidon d’une grosse moto qui ne lui appartient pas. Lola finit par accepter un rendez-vous, mais est-ce pour Bensoussan ou pour la moto ?

Les affaires de Bensoussan vont lui jouer un très sale tour. Auparavant, il aura avoué à Lambert la nature de ses activités. Très paternel, Lambert ne se gêne d’ailleurs pas pour lui envoyer une baffe bien sentie quand Bensoussan se permet de fumer un joint sous son nez. Fin d’une amitié naissante ? Non, car ces deux là n’ont personne d’autre dans la vie. Et pourtant ce n’était pas gagné, car Lambert a des restes de ce qu’il évoque plus tard en disant « Avant j’étais con. » Ainsi il fait remarquer à Bensoussan « Arabe c’est pas une religion. »
Lambert va retrouver des réflexes étonnants par rapport au personnage qu’il est devenu, mais ça colle bien. Il a beau être complètement désabusé, quand il dit « Vous trouvez que l’essence est trop bon marché ? » c’est la gouaille de Coluche qui ressort. Et quand il vient faire le justicier chez Rachid en se révélant un roi de la gâchette et un judoka prompt à la détente, les situations font d’autant plus sourire qu’on est clairement dans un film noir.

Le film n’est pas un chef d’œuvre pour autant. La faute à une deuxième partie où l’aspect policier est assez bâclé, on sent que Claude Berri ne s’y intéresse pas vraiment. Il est également regrettable que le dealer soit ce qu’il est, comme si la morale devait être que les arabes sont ceux qui viennent corrompre les gentils français. On a également du mal à comprendre ce que Lola vient faire dans les pattes de Lambert, même si bien sûr elle aussi fait partie de ces paumés qui se cherchent désespérément des repères. On tombe des nues en entendant les révélations finales de Lambert le bedonnant et vieillissant désabusé (et même si la scène est très émouvante) : il a gagné l’affection et la tendresse d’une jeune et fraiche jeune fille parce qu’il avoue sa connerie d’avant ? Enfin l’apparition d’un chat noir est un symbole annonciateur un peu facile.

L’interprétation est dominée par la performance de Coluche. Richard Anconina et Agnès Soral furent des révélations. Le film est une adaptation d’un roman d’Alain Page qui a élaboré le scénario avec Claude Berri. La musique de Charlélie Couture contribue de manière notable à établir une ambiance marquante. Le film a obtenu 5 récompenses à la cérémonie des César 1984, dont 1 pour Coluche (meilleur acteur), 1 pour Bruno Nuytten et 2 pour Anconina (meilleur espoir masculin et meilleur second rôle)

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le 15 avr. 2013

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