"Tehran Taboo" est une production germano-autrichienne écrit et réalisé par Ali Soozandeh.


Ce dernier est d'origine iranienne, né en 1970 à Shiraz et immigré en Allemagne en 1995. Il participera alors à de nombreux projets cinématographiques en tant que spécialiste de l'animation et se lance finalement dans la réalisation avec ce film, présenté en 2017 à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes et primé du Rail d'Or.


Le film est réalisé presque entièrement par rotoscopie. Cette technique consiste à reproduire en dessin animé les contours d'une prise de vue réelle d'actrices et d'acteurs. Le résultat est particulièrement réaliste et permet de saisir toute la subtilité du jeu des personnages, presque de l'ordre du théâtre dans le mouvement des corps et l'expression des visages. L'animation ensuite offre alors des effets graphiques propres qui transforment, altèrent ou accentuent cette réalité filmée à travers le filtre des couleurs, les effets d'ombre et de lumière et la transposition dans des décors peints ou dessinés.


Parlons du film finalement. L'histoire nous raconte le destin de femmes et d'hommes aux vies et aux aspirations différentes qui, par les circonstances, s'entrecroiseront, s'influeront pour le meilleur et pour le pire. Bien évidemment, le réalisateur montre et dénonce l’hypocrisie de cette société totalement schizophrène, tiraillée entre les pulsions larvées, l'attrait du sexe et une soif de liberté et de démocratie en opposition avec une puissante religion d'état fascisante et les rapports de pouvoir de l'homme sur la femme.


L'auteur connait son pays, ses traditions, son histoire et ses problèmes. Sans tomber dans une dramatique larmoyante ou un plaidoyer pathétique, il décrit avec réalisme les contraintes d'une vie ordinaire dans un pays oppressé par un tribunal islamique radical, par le fascisme d'un pouvoir théocratique.


Ainsi, un couple non marié se promenant main dans la main, en public est passible de prison. L'adultère est condamné par la détention à vie (voire la pendaison) et une vie libertine peut mener à la répudiation et un exil sociétal. Société perçue par les personnages comme un prison à ciel ouvert, une société impitoyable.


C'est donc une histoire difficile, avec aussi de vrais moments amusants et légers, fantastiquement rendue par le jeu des actrices et acteurs et magnifiquement mise en scène. La musique d'Ali N. Askin illustre superbement les ambiances du film grâce à une très riche palette sonore.


En référence, j'ai pensé immédiatement à un autre grande oeuvre cinématographique utilisant la même technique , le film "Waltz with Bashir" d'Ari Folman.


Pour celles et ceux qui veulent creuser un peu sur le sujet autour des techniques de la rotoscopie et de la motion-capture, cet article sur le site Fragstoom : https://www.fragstorm.com/la-quete-de-lanimation-realiste-…/
.

PhilippeGoderis
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 11 févr. 2018

Critique lue 300 fois

1 j'aime

Critique lue 300 fois

1

D'autres avis sur Téhéran Tabou

Téhéran Tabou
Seemleo
8

Mon curé chez les persanes

Le cinéma iranien produit régulièrement des œuvres de grandes qualités, intelligentes, modernes et d'auteurs. Téhéran Tabou se situe indéniablement dans le haut du panier. Filmé en rotoscopie,...

le 18 nov. 2017

13 j'aime

Téhéran Tabou
Morrinson
7

La dilution du sexe dans le puritanisme institutionnel

Sur le papier, c'est un film d'animation sur une ville, Téhéran, et le rapport de ses habitants aux nombreux interdits, aux prohibitions autant juridiques que morales qui quadrillent leur vie...

le 30 nov. 2017

9 j'aime

4

Téhéran Tabou
Cyprien_P-L
6

Sexe, drogues et morale religieuse

De nos points de vue auto-centrés d'européen, les pays soumis à la loi islamique ou du moins, s'en inspirant fortement, nous sont toujours apparus comme moralement irréprochables, à la limite d'une...

le 9 oct. 2017

5 j'aime

Du même critique

Night Is Short, Walk on Girl
PhilippeGoderis
8

Un délire visuel hilarant

Masaaki Yuasa est lui aussi japonais et est un grand de l'animation. Designer graphique, intervalliste, scénariste et réalisateur, il conduit une carrière très riche depuis 1989 à travers de...

le 18 févr. 2018

7 j'aime

Buñuel après l’Âge d’or
PhilippeGoderis
7

Un documentaire fiction sur l'unique documentaire de Buñuel (toujours aussi provocateur, cela dit)

En 1930 à Paris, Luis Buñuel se fait démonter après la projection de son film "Le chien Andalou". Film authentiquement surréaliste et provocateur, ça ne passe pas auprès, notamment, de la Ligue des...

le 3 avr. 2019

5 j'aime

1

Eastshade
PhilippeGoderis
7

Une jolie ballade bucolique

En parcourant des présentations du jeu "Eastshade" (du studio du même nom), beaucoup présente le jeu comme un "Skyrim" indépendant. Ayant joué (déraisonnablement) longtemps sur ce dernier, je vois...

le 3 mars 2019

5 j'aime