Magnifique variation sur le thème universel de la filiation, Tel père, tel fils suggère avec grâce une réflexion subtile et intelligente au moyen d'une mise en scène épurée et très soignée.


Soulignons d'abord la performance du personnage de Keita, d'une justesse troublante pour un garçon d'un si jeune âge, émouvant à vous en sortir une larme du coin de l’œil sans jamais pour autant sombrer dans le pathétique ou la commisération.Kore-eda, le réalisateur, y est certainement pour quelque chose tant la direction d'acteur se révèle être à la hauteur des plus grands, offrant des rôles de premier ordre à ses acteurs.


Cet habitué de la Croisette, remportant à l'occasion le prix du jury, signe là surtout un excellent scénario dans lequel il confronte deux familles aux origines sociales opposées dans une savante structure en chiasme où Ryota (le père de Keita), architecte au grand succès obnubilé par son travail mais d'une intelligence sociale misérable, répond à Yukaril, mère de l'autre enfant, femme qui dirige son couple et au tempérament plus marqué tandis que Yudai, son mari, homme très proche de ses enfants qu'ils privilégient au profit de son travail dont le lieu est symboliquement sa propre maison trouve son semblable chez Midori, mère de Keita, femme au foyer, plus douce et compréhensive que son mari.


De cette asymétrie naissent de multiples jeux de miroirs, où s'inverseront les rapports de pouvoir, et qui conduiront Ryota, pris dans un dilemme insoluble formant le nœud de l'intrigue, à perdre (socialement et professionnellement) mais aussi en même temps à s'enrichir spirituellement, à se connaître et à se réfléchir, tout comme dans les yeux de son fils Keita où il croyait d'abord ne pas se voir et où enfin il se trouvera, au cours d'un parcours intérieur sombre et sinueux qu'inaugurent les images de longs virages ou de profonds tunnels sans fin et qui s'achève dans un paysage dépouillé au milieu des courbes harmonieuses des fils de câbles reliant chaque pylône entre eux.


C'est cette même photographie minutieusement choisie qui sublimera la beauté des mains, corps de la transmission, dans des moments d'une grande force évocatrice comme quand elle réunit les mains de Keita à celles de son père sur le piano ou quand, plus tard, les mêmes mains de Keita embrassent amoureusement Yukaril, sa nouvelle mère.


Projeté à l'ombre du débat politique sur le mariage homosexuel, ce film battu à Cannes en 2013 par La vie d'Adèle n'a hélas pas obtenu le succès escompté. Mais libre à vous de lui rendre son mérite en vous laissant adopter par cette somptueuse ode à la famille.

Marlon_B
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 25 oct. 2016

Critique lue 315 fois

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 315 fois

D'autres avis sur Tel père, tel fils

Tel père, tel fils
Sergent_Pepper
7

Autorisation (trans)parentale.

Le cinéma asiatique semble avoir un don propre à sa culture, (que, je le confesse, je connais assez mal) qui consiste à dire beaucoup dans la pudeur. Dans un milieu où il n’est pas commun de formuler...

le 12 mai 2016

57 j'aime

6

Tel père, tel fils
Gothic
7

En-cas d'urgence, brisez la glace

13h35: quelques minutes seulement avant le début de la projection, PFloyd, Noménale et moi nous retrouvons devant le ciné. Je suis presqu'en retard, on dirait mon père. Ambiance légère, quelques...

le 20 janv. 2014

49 j'aime

24

Tel père, tel fils
Gand-Alf
8

L'échange.

Prix du jury à Cannes en 2013 et présenté dans de nombreux autres festivals, "Tel père, tel fils", le nouveau film du japonais Hirokazu Kore-Eda, raconte l'histoire de deux familles au statut social...

le 16 janv. 2015

45 j'aime

1

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11