Hirokazu Kore-eda, réalisateur chouchouté par la Croisette du festival de Cannes, est un talent venu du pays du soleil levant, jadis prometteur et désormais en passe d'être confirmé. Kore-eda parvient à être un réalisateur avant tout simple et populaire de par les thèmes qu'il aborde. Son nouveau film, Tel père, tel fils se fend d'un Grand Prix du Jury obtenu à Cannes. La sélection de cette année étant remarquablement éclectique et efficace, le film tant attendu du réalisateur nippon est-il à la hauteur des espérances et de la concurrence ?
De prime abord, il est amusant de constater que le pitch du film partage quelques points communs avec La vie est un long fleuve tranquille d'Etienne Chatillez. Comparaison évidemment grossière à première vue mais pas forcément malvenue quand on prend la peine d'y réfléchir. Des nouveau-nés échangés entre une famille prolétaire et une autre bourgeoise... D'emblée, il est malheureux de constater le manque de subtilité du film de Kore-eda. Tous les grands poncifs des deux classes sociales mises en scènes répondent à l'appel. D'un côté, la famille japonaise droite et fortunée, le père strict mais absent, de l'autre, le gentil papa pauvre mais attentionné. Evidemment, mettre en place des stéréotypes dans son postulat de départ n'est pas condamnable, puisque l'on peut en jouer et surprendre son spectateur avec, comme le fait dans un genre complètement différent Bong Joon-ho dans Le Transperceneige. Malheureusement, aucun cliché n'est renversé au cours de l'histoire et tous ces éléments instaurent une prévisibilité de l'histoire quelque peu dommage. S’il n’y a pas à douter de la sincérité de Kore-eda, on peut regretter un manque de prises de risques à propos d’un sujet pourtant très intéressant.
En dehors de cet aspect-là, le film demeure assez fluide, c'est une de ses qualités notables. Malgré les fameux clichés mis en place, il ne commet pas trop de lourdeurs et se suit avec un certain plaisir. Le réalisateur nippon fait alors de son classicisme une force narrative. D'une sobriété apparente, la réalisation de Kore-eda ne se prive pas de toute intelligence ou de travail formel. Rien n'est spécialement osé ou surprenant mais les dispositifs de mise en scène qui sont en place ont le mérite d'être efficaces. On remarquera qu'il y a peu de superflu dans le film, ce qui est véritablement agréable dans la mesure où bien des réalisateurs auraient fait pleurer les violons dans des séquences à rallonge. A nouveau, la sobriété de Kore-eda lui évite de perdre de vue ses enjeux dramatiques.
Comme tout drame familial, Tel père, tel fils est un film qui a évidemment besoin de ses personnages et de leurs acteurs pour vivre. On peut en effet se questionner sur l’interprétation des parents des deux familles tant ceux-ci ne font que mettre encore plus en valeur les clivages relativement stéréotypés présents entre leurs statuts sociaux. De leur côté, les bambins, forcément au cœur du métrage, parviennent à être dans le juste. Ils sont suffisamment encadrés par Kore-eda pour ne pas constituer une tare comme dans bien d’autres films du genre. Ainsi, les personnages parviennent à être les engrenages simples mais relativement bien huilés de l’histoire.
Il n’est pas évident de fixer notre opinion à propos de Tel père, tel fils. Le film possède un réel capital sympathie et une légèreté à laquelle il est difficile de rester indifférent, alors que tout se base sur une structure stéréotypée, peu originale et éculée dont on se serait bien passé. La morale, mettant en avant l’importance de l’affection sur l’héritage génétique paraît aujourd’hui désuète tant sont nombreux les métrages qui l’ont ressassé avec plus ou moins de subtilité. Il y avait de quoi espérer un vent nouveau de la part d’Hirokazu Kore-eda, mais outre un film fluide et sympathique, ce qu’on garde finalement à l’esprit relève davantage du « à l’Est rien de nouveau ».
La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/critique-tel-pere-tel-fils-de-hirokazu-kore-eda-2013