Affublé d'une traduction française assez hasardeuse, Tel père tel fils (そして父になる, Soshite chichi ni naru) est un film japonais réalisé par Hirokazu Kore-eda, souvent considéré comme un artiste prometteur dont pas moins de quatre films ont déjà été sélectionnés au Festival de Cannes. Bien que le succès ne justifie pas forcément la qualité, force est de constater qu'il s'agit probablement d'un cinéaste qui sait ce qu'il fait et qui a envie de le faire. Son dernier long-métrage et celui qui nous intéresse ici, Tel père tel fils, vient de remporter le Grand Prix du Jury de Cannes présidé par Spielberg qui se permet d'en acheter directement les droits d'adaptation ( on en rigole déjà ). Cet instant de gloire est-il néanmoins justifié ? Et bien, pour une fois, oui. Assurément.

Hirokazu Kore-eda est un réalisateur d'un genre spécial que certains qualifient de " nouveau ". Il s'agit d'une approche non spectaculaire et extrêmement réaliste qui ferait presque passer l'histoire pour un documentaire ( un identité qui se partagent chez la plupart des jeunes réalisateurs japonais désormais ). Il n'est donc pas anodin de le voir réutiliser ce procédé aussi flamboyant que rafraîchissant tout en gardant une énorme efficacité. Là où les films sud-coréen les plus connus parvenaient à filmer de manière réaliste une situation surréaliste, Kore-eda préfère rester dans le réalisme le plus totale. Que ce soit dans les dialogues, les situations, les personnages, l'ambiance etc. Tel père tel fils possède ainsi une atmosphère pantagruélique de par sa façon de nous conter son histoire ( du moins, de notre vision de petits européens ) qui séduira forcément les plus avides de belles histoires originales.

Le scénario de Tel père tel fils se voit donc inspiré de faits réels. Durant les années 60, au Japon, une quarantaine de cas " d'échanges d'enfants " la maternité ont été recensés. La quasi-totalité des parents ont choisi le lien du sang, coupant tout rapport avec l’enfant qu’ils avaient élevé. Sauf le cas exceptionnel de deux familles d’Okinawa qui ont d’abord fait l’échange, avant d’élever les deux enfants à quatre. L'intrigue narrera donc la vie de famille de Ryota, un homme d'affaire très occupé de par sa condition professionnel, époux et père d'un petit garçon de six ans. Diablement brillant, Ryota en veut à son fils de ne pas l'être autant que lui. Bien qu'aimant son rejeton comme il se doit, le père a du mal à l'exprimer et rate parfois à plusieurs de ses devoirs parentales. Du jour au lendemain, ils apprennent que leurs fils n'est pas biologiquement le leur. Un échange à été effectué à la maternité. Est-ce une faute ? Est-ce volontaire ? L'hôpital n'ose se prononcer et préfère faire rencontrer les deux familles pour décider de l'avenir de leurs enfants respectifs. Au fil du processus qui durera plusieurs mois, les deux familles vont se rencontrer et deviner leurs différences : au niveau du logement, de leurs revenus, de leur façon de vivre, d'être parent etc. Ryota se demandera la démarche à faire tout le long du film tandis que l'évolution entre les relations entre les deux familles évoluera en bien ou en mal. Les deux enfants ne sachant pas ce qu'il leur arrive, un certain effet d'empathie voulu tentera de nous prendre d'assaut. Ce qui sera parfaitement réussi.

Outre ce réalisme saisissant, cette manière de filmer exceptionnel, ce jeu d'acteur époustouflant, ces moments d'émotions qui sont présents sans être envahissants, Tel père tel fils est vendu comme un drame. Il n'en est rien. Le film possède bien évidemment ces mélodies au piano douces couplés à des scènes juste de tristesse mais elles sont éparpillées de manière à ce qu'on ne se sente pas forcé d'être triste. Le réalisateur ne cherche pas à nous émouvoir de cette manière. Il tente plutôt de nous faire réfléchir et de nous donner, à l'aide des choix de Ryota, un renfort pour nous conforter dans notre opinion personnelle. Que ferions-nous si cela nous arrivait ? C'est quelque chose aussi rare et que troublant mais qui peut arriver à n'importe quel couple. Pour cela, il est très facile de s'identifier, non pas aux personnages, mais à la situation pour peu que l'on ai les yeux rivés sur notre avenir. De tous ces éléments forme un tout qui nous offre une manière différente que d'habitude d'aborder un film. Ce dernier nous impose, en plus de cela, un format long pour prendre le temps de raconter cette longue aventure ainsi que l'évolution notable de Ryota. Saluons au passage le travail fulgurant de Masaharu Fukuyama qui l'incarne. Chanteur de J-pop principalement, c'est son premier rôle dans un film grand public ( le bougre avait déjà joué dans quelques films mais qui se sont retrouvés en compagnie d'un succès assez mince ) et force est de constater qu'il s'en tire à merveille.

Au final, Tel père Tel fils est un mastodonte du cinéma récent, la plus belle découverte de ce début d'année. Une leçon que devrait apprendre bon nombres de réalisateurs minables qui ne font que s'enfoncer dans les clichés projet après projet. Après la misérable adaptation d'Albator, c'est une oeuvre japonaise étincelante de qualité qui nous parvient tranquillement dans nos salles obscures. A regarder en VO ( ce que propose la plupart des cinémas pour le moment ), Tel père tel fils est un de ces films qui est " à voir ". Mine de rien, c'est très difficile d'obtenir ce statut. Et il le mérite plus que tout.

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le 12 janv. 2014

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Djokaire

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