Telepolis
7.3
Telepolis

Film de Esteban Sapir (2007)

Il était une fois une ville sans voix. Quelqu'un avait dérobé les voix de tous les habitants. De nombreuses années s'écoulèrent et personne ne semblait gêné par le silence. Une unique femme et son enfant ont conservé la parole. Travaillant pour Mr Télé, elle chante à la télévision et envoute, du son de sa voix, toute la population; un talent inestimable dont Mr Télé voudrait se servir pour manipuler la ville.

A travers cette histoire aux grandes lignes simplistes, Esteban Sapir n’a finalement qu’un seul message à faire passer. Il dénonce la manipulation de la parole en la pensant comme une véritable arme. Le scénario de La Antena ne servira donc finalement que de support pour transmettre ce message bien plus général. Dans sa construction, il parvient tout de même à créer un suspense et une intrigue prenante mais qui ne sera finalement que secondaire face à une morale et surtout une mise en forme de celle-ci bien moins élémentaire. La Antena est donc un véritable conte contemporain et onirique, mettant les formes pour faire passer la morale. Un exercice pourtant bien loin d’être simple.

C’est donc par l’Image qu’Esteban Sapir nous raconte l’histoire d’une population muette. Quoi de plus adapté pour cela que de renouer avec les fondements du cinéma définit, lors de la naissance de celui-ci, par les films muets. Le réalisateur se livre ainsi à un surprenant et périlleux exercice en imprimant cette pâte mythique à son film: image en noir et blanc, incrustassions de textes, de dialogues et d’expressions à l’écran, et musique entièrement orchestrale venant recréer les ambiances indispensables sont donc les seuls outils qui seront ici utilisés. L’anachronisme est parfait, réussissant même à retranscrire les maladresses de mises en scène de l’époque. Pour pallier l’absence de sons et de dialogues, le réalisateur a redoublé d’ingéniosité en travaillant d’une part sur la musique qui évolue avec l’action et d’autre part sur la typographie et sur son incrustation à l’écran. Ainsi, les personnages interagissent avec leurs propres mots, leurs expressions ou tout simplement avec les éléments du décors qui forment alors l’unique moyen de communication. Alors que beaucoup se contentent d’utiliser le texte de façon statique et primaire, Esteban Sapir parvient à dépasser le concept original pour en faire un art à part entière et l’on assiste finalement à une grandiose et bluffante danse des mots formés d’innombrables figures stylistiques. Les dialogues sont pourtant réduit à l’indispensable, obligeant le spectateur à suivre attentivement pour saisir toute l’ampleur et la richesse du film, mais chacun d’eux, en subissant un traitement particulier, réussit ainsi à jouer un rôle indispensable dans la mise en scène et la compréhension de l’histoire.

La Antena est donc un conte quasi muet traitant intelligemment en image et en musique de la parole et de son pouvoir. Fourmillante d’ingéniosité et de créativité, il s’agit finalement d’une brillante œuvre d’art à la fois exigeante, passionnante et jouissive. Esteban Sapir signe ici son premier film et montre déjà une maitrise parfaite ainsi qu’une culture hallucinante du 7ême art en réussissant à renouveler un genre que l’on croyait mort. Parmi les plus grands, dont les références sont d’ailleurs ici explicites (Méliès, Gondry ou encore Gilliam) un nouveau mythe à l’avenir assuré est donc né. Un seul mot pour le qualifier: originial! (original et génial à la fois)
SlimGus
10
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le 1 nov. 2012

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Gaylord G

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