Note : critique garantie sans spoiler.


Christopher Nolan. Réalisateur qui a construit sa réputation sur ses blockbusters à tiroirs qui se veulent plus cérébraux que la moyenne et profitant du soin maniaque du réalisateur. De Memento à Interstellar en passant par Inception, Nolan embarque son spectateur dans une aventure qui en met plein la vue et les oreilles, tout en lui proposant une expérience inédite, du moins à Hollywood. Son nouveau film original, Tenet, arrive donc en pleine pandémie mondiale et sera le seul blockbuster estival à sortir en salles dans nos contrées cette année, mettant fin à une disette cinématographique sans précédent. Cette nouvelle proposition restera-t-elle dans la lignée de la filmographie de Nolan, comme peuvent le laisser penser les bandes annonces énigmatiques diffusées depuis fin 2019 ?



INTERTWINMENT.



Les attentes autour de ce film sont donc sans commune mesure. D’autant plus que les différentes bandes annonces se sont toutes montrées plus cryptiques les unes que les autres et que rien n’a fuité du scénario depuis l’annonce officielle du film, ni même depuis les premières images de tournage où l’on voyait une autoroute entière mobilisée, avec ses véhicules évoluant dans plusieurs sens de circulation en même temps. C’est donc sans vraiment à quoi s’attendre que l’on se jette dans ce Tenet, qui ne se fait pas prier pour venir nous cueillir dès les premières minutes. Comme dans The Dark Knight ou Inception, le film s’ouvre sur une séquence d’action haletante, très rythmée et impressionnante, qui donne tout de suite le ton. D’ailleurs, tout le film sera à l’image de cette séquence : rythmé d’une main de maître. Impossible de s’ennuyer, à moins de décrocher complètement. En effet, c’est peut-être celui qui est le plus à classer dans les films d’action dans la filmographie de Nolan. Les nombreuses scènes de poursuite, baston ou fusillade sont toutes prenantes, tendues, à l’image de la superbe séquence sur l’autoroute ou la scène finale, bien que celle-ci soit plutôt brouillonne.


Tenet ne s’arrête jamais, si bien qu’il peut perdre le spectateur durant sa première partie tellement tout s’enchaîne. Même si le film essaie de présenter ses enjeux au spectateur via des séquences et dialogues d’exposition bienvenus, la masse d’information à engloutir est telle qu’il est quasi impossible de bien s’y retrouver. Cette première partie déroutante, parait tout de même brouillonne. Ce sentiment s’efface peu à peu au fur et à mesure que le film avance, mais force est de constater que c’est sûrement le Nolan le plus difficile d’accès, celui où un second visionnage sera vraiment justifié. Pourtant, l’intrigue en elle-même est plutôt simple : imaginez un James Bond, Mission Impossible ou Jason Bourne, mais avec un twist à la Nolan. C’est plutôt pour démêler les nombreuses scènes d’action ou le rôle de certain personnages secondaires - mais tout de même centraux au récit - qu’il faudra passer par une deuxième séance. D’ailleurs, le réalisateur semble en être conscient car dès les premières minutes, un personnage explique clairement qu’expliquer le concept du film et ses conséquences sur sa narration prendrait trop de temps, qu’il suffit de se laisser porter.


Si Tenet est un excellent film d’espionnage international sur fond de science-fiction profite grandement du style du réalisateur (plans somptueux, voyages à travers le globe, scènes spectaculaires avec le minimum d’effets spéciaux numériques), on déplorera qu’il paraisse froid. Contrairement à ses précédentes réalisations, ici, nulle question d’émotions. Dans Inception, le deuil était au centre du récit. Dans Interstellar c’était l’amour. Dans Dunkirk, la peur. Rien de tout ça dans Tenet. Le film déroule son scénario sans s’attarder sur ses personnages. Dommage, d’autant plus que la brochette d’acteurs est convainquante. John David Washington est taillé pour le rôle du Protagoniste, crédible dans l’action, nerveux, brutal mais sais aussi se montrer séduisant, un brun cocky. Comme 007, oui. Vraiment, tous les codes d’une aventure de Bond sont dans Tenet. Son acolyte, Robert Pattinson lui vole quand même la vedette. C’est lui qui crève l’écran tellement il semble s’éclater dans son rôle. Vient ensuite Elizabeth Debicki qui malheureusement campe un personnage d’une fadeur confondante. C’est la caution émotion du film, mais aussi sa partie la moins intéressante. Son mari dans le film, violent et cruel, est joué par un Kenneth Branagh assez plat. Viennent se greffer au casting d’autres personnages secondaires de passage comme une scientifique campée par la française Clémence Poésy - qui servira à introduire toute l’intrigue au Protagoniste et au spectateur dans une scène d’exposition à peine maquillée – ou Aaron Taylor-Johnson que l’on retrouvera en dernière partie de métrage.


A la bande originale, on retrouve Ludwig Göransson (Zimmer étant occupé sur le Dune de Denis Vlleneuve), qui commence décidément à faire son trou à Hollywood. Il propose ici une composition très électro à l’image du film : nerveuse, qui ne laisse presque jamais le spectateur respirer. Finalement très Zimmer-esque.


Tenet remplis parfaitement son rôle de divertissement démesuré, servi par les manies de son réalisateur qui s’amuse toujours autant à déconstruire des notions de physique pour au final proposer un excellent film d’action : rythmé, nerveux, bruyant. Terriblement jouissif donc. Mais aussi parfois maladroit, la faute à un scénario simple mais une narration complexe où fatalement, des paradoxes métaphysiques vienne se greffer au récit, créant un sentiment de confusion parfois gênant. Au final, ce ne sera pas Tenet qu’on retiendra de la filmographie de Christopher Nolan. Est-ce pour autant un mauvais film ? Non, assurément. Bien au contraire.

Exosfear
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le 25 août 2020

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