Chute, renaissance, et renouveau de Nolan

Christopher Nolan, dans des circonstances d'exception avec la pandémie, revient en force avec son nouveau film, Tenet. Encore plus marqué par le fait qu'il doit concilier succès public et critique, il doit aussi faire ramener le grand public en salles, pour que (enfin !) l'économie du cinéma mondial reparte.

Mais alors, grand film ou moyen ? Eh bien, un peu des deux. Après la séance, je m'étais presque dit avec mes potes : "grand dieu, j'ai rien compris, mais ça avait l'air pas mal." Et c'est bien là tout le paradoxe. Probablement le plus complexe de tous ses films, le plus spectaculaire, et le plus fouillé, Tenet, comme Dunkerque ou Interstellar, se demarque par leur grande épopée.

Tenet ravive tout ce que j'aime dans une salle de ciné : un bon gros blockbuster, d'auteur, avec plein de gens très impatients de voir ce que le maître Nolan va nous pondre. Notamment au niveau de l'intrigue et du scénario, bien que les personnages sont pas trop mal, ils n'ont jamais été le centre du récit. Non, le scénario est le plus important. Et à vouloir trop s'enfermer dans un scénario trop complexe pour le grand public, avec de multiples twists et de tiroirs qui sont difficiles à voir, Tenet navigue pratiquement entre série B d'action et un nouveau sorte de James Bond/ Mission Impossible, avec un gros méchant bien bien méchant russe et un gentil très très gentil agent secret/ super- héros, avec le mec de Twilight en partenaire.

Evidemment, Tenet a de très bons points positifs. Déjà le scénario de base, même s'il est assez difficile à comprendre, révèle des enjeux extrêmement importants, et pose un souffle épique à la Inception assez incroyable. Le montage est très bien exécuté, de même que les scènes d'actions sont absolument époustouflantes, la chorégraphie de ses cascades sont à couper le souffle. John David Washington est absolument brillant dans le film et inonde le film de son charisme monstre, de même que le duo qu'il forme avec Robert Pattinson est bien dosé, et que ce dernier ferait un très bon Batman, tellement il pue la classe en agent secret. Le reste du casting, notamment les seconds rôles, s'en sortent tous très bien, et la mise en scène est vraiment très bien travaillé. Côté aventure, on est servi, on va partout. Tenet est un sacré pari et une bonne paire de claques au niveau de la photographie et des cadres, avec certains plans incroyables et certaines scènes vont forcément devenir cultes.

Mais Tenet pêche dans de nombreux points, aussi. La musique déjà, qui est clairement moins bonne que ces anciens films. Bien qu'elle soit très intéressante dans une première partie, les infra- basses dans la seconde heure est assez chiante et handicape le récit, pour surligner tous les dilemmes des personnages. Et les personnages, parlons- en ! A peine décrits, à peine mis en place, on s'attache très rarement à eux, car chacun a ses secrets et n'ose pas tout dévoiler. On a donc la sensation bizarre de ne pas être concerné ni par le protagoniste, qui n'a aucune charactérisation, ni par Neil ou Kat, qui sont bien mystérieux durant tout le film.
Puisque Nolan a fait banco sur son scénario, là clairement on a du mal à suivre. Les explications, même brêves, se font à toute vitesse, de même que lorsqu'on finit par piger l'intrigue, on est presque déçu de l'ensemble. Le rythme est aussi bien trop long, 20 minutes de moins et le film gagnerait en fraicheur et en dynamisme. Il y a aussi un clair manque d'émotion dans ce film, trop froid, qui nous expulse de temps en temps de ce dernier.

Tenet, film- somme et film à énigmes façon James Bond de Nolan, m'a clairement enthousiasmé dans une première partie, puis m'a légèrement déçu dans une seconde partie. Un film qu'il faut revoir sans aucun doute, car de nombreux mystères y sont attachés. Assez spectaculaire, bien monté, et bien ancré dans son époque, il reste cependant son high concept fascinant et ses scènes d'action dantesques, mais il est loin l'époque où Nolan était en pleine bourre, maintenant il se prend pour un grand cinéaste où il ne faut pas comprendre, mais ressentir les choses : cependant cela n'a pas marché pour moi.
Un film gigantesque dans sa nature, mais bancal dans son déroulement. Fascinant, assez visionnaire, grandiloquent, à couper le souffle par moments, mais brouillon et mal géré, Tenet va évidemment remettre l'industrie hollywoodienne en marche. Mais on assiste pour la première fois au premier film vraiment en dessous des standards habituels de Nolan, et peut- être sa dernière chance de faire un grand blockbuster d'auteur.