Abordons d’emblée LA question. Est-ce qu’on ne comprend vraiment rien à Tenet?
Pas tout à fait, mais avouons que le concept de la chronologie inversée est foutrement alambiqué.
Le principe est relativement bien introduit mais quand il se matérialise (spectaculairement) à l’écran, le cerveau est au bord de l’implosion.
Mais au fond, cette narration labyrinthique n’a rien de rédhibitoire. Memento ou Inception reposaient sur des idées tout aussi complexes et n’en sont pas moins des chefs-d’œuvre. La différence est que cette fois-ci le concept écrase le reste. Pas forcément son intrigue, Tenet s’avérant convaincant dans le genre du thriller d’espionnage à la James Bond, mais tout ce qui constitue normalement le cœur de sa filmographie, les aspirations de ses personnages et la finalité de leurs actions. Il est bien question de l’imminence d’une troisième guerre mondiale temporelle, mais elle reste assez abstraite et semble peu impacter ses protagonistes.
Chose rare chez le cinéaste, Tenet tombe dans l’écueil du film-concept désincarné, du blockbuster froid. Ses héros sont habituellement mus par des élans humains, des conflits intérieurs, une quête personnelle qui finissent toujours par surpasser la structure du film, aussi brillante et novatrice soit-elle. C’est cet aspect-là qui fait un peu défaut à Tenet. Pour autant, l’exécution est impeccable et suffit à elle seule à motiver une ou deux visions du film.
La virtuosité de la mise en scène de Nolan est une nouvelle fois éclatante et impressionne comme rarement lorsque les chronologies se croisent. Un peu comme les bullet shot de Matrix en son temps, la prouesse technique de ces scènes de combat aura sans doute un impact fort sur le cinéma d’action des prochaines décennies.
Tenet est visuellement bluffant, le rythme ne retombe jamais, porté par une bande-son puissante et vrombissante, un élément toujours central dans le cinéma de Nolan. Et nous fait joliment voyager. Le réalisateur prouve une nouvelle fois qu’il n’a pas son égal pour allier audace conceptuelle et ambition formelle.
Il n’est finalement pas nécessaire de tout comprendre pour profiter de Tenet. On le disait, il lui manque certainement plus un souffle romanesque et du cœur que des réponses aux nœuds au cerveau qu’il provoque. Pour cette raison, Tenet est d’assez loin le film de Christopher Nolan qui m’aura le moins emballé après TDKR. Mais le référentiel est élevé, le reste de sa filmo étant composée au mieux de chefs-d’œuvre, au pire de grands films. Tenet reste un énorme blockbuster d’auteur, ambitieux, original, comme on espère qu’Hollywood continuera à produire en dehors des canons de licences.

Créée

le 14 sept. 2020

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