Le Messie a une sacrée gueule de bois

Cadre : cinéma Pathé de Marseille dans la salle lounge avec vin et petits fours. Première conclusion : le capitalisme et les avantages en nature ne sont pas si mal finalement.


Contexte : été relativement vide de toutes les grosses productions habituelles, TENET est le pari de toutes les boîtes de production (même celles qui ne l'ont pas produit). Le crash-test par excellence qui va déterminer le calendrier pour les deux prochaines années. C'est dire la pression. Pression tout autant sur les spectateurs que sur les gérants de salle. Et donc, Nolan se sacrifie tel un Christopher de Nazareth pour sauver l'industrie cinématographique des ténèbres.


Réflexion : considérant l'importance des efforts financiers en jeu dans cette industrie, on pourra (et devra) se poser la question de développement tentaculaire de l'industrie (comme beaucoup d'autres). Ou à quel moment, elle aura atteint un état critique où la qualité est irrémédiablement (oui, j'aime utiliser des mots qui semblent intelligent) sacrifiée sur l'autel de la quantité et de la rentabilité. Et de finalement se rappeler que le divertissement ne devrait rester que du divertissement. Décroissance ? Une petite réflexion illébérale pour lancer la critique ! Je suis taquin !


Tenant compte de l'importance de ce film, le marketing a été plus qu'agressif, et du coup, tout le monde était bien motivé pour aller le voir. Je l'ai presque vu comme un acte citoyen (ah ah, magnifique manipulation de masse). Et que dire du résultat ? Premier point et pas des moindres, la photographie est superbe. Les décors naturels, les scènes d'actions sont lumineuses et assez bien mises en place. Il faut noter que ça reste un point fort des films de Nolan. Et Dieu sait qu'au vu de la complexité du scénario, avoir des plans clairs aident dans la réflexion. La scène d'introduction par exemple dans la salle de concert est particulièrement bien orchestrée.


Entreprenant, Nolan l'est assurément. Il a travaillé depuis de nombreuses années sur ce concept de temporalité, d'esprit et autres concepts de l'imaginaire. On arrive autant à la grande force et à la plus grande faiblesse du film. Toute la réflexion sur le temps qui ne s'écoule comme on l'attend mais bien en arrière faisant planer une grave menace sur notre monde. Et là, il faut bien avouer qu'on part un peu dans le n'importe quoi. Autant je conçois que cette réflexion relativement nouvelle nous oblige à penser différemment autant je pense que cela a permis aux scénaristes d'appliquer le mantra du plus c'est gros, plus ça passe.


Nonobstant les distorsions scientifiques propres à une vulgarisation, il faut savoir coupler son propos sur une assise assez crédible sur garder l'attention du spectateur. On est assez indulgent pour tolérer le côté irréaliste de certains concepts. Mais pour rester vraisemblable, il faut qu'on comprenne les réactions des personnages ou leur explication. Et là, clairement, ça pêche. Certains personnages, comme la trafiquante d'arme indienne m'ont semblé illogique et impossible à justifier. C'est flou et ça pénalise l'attention. Le mystère et le besoin de réponse sont clairement des éléments essentiels à une bonne narration permettant de garder le spectateur alerte et désireux d'avoir des réponses.


Effectivement, des réponses on en a. Mais cela ne nous rapproche pas plus pour comprendre le sens et les raisons qui guident tout ce petit monde. Ni vraiment où veut en venir Saint Christopher. Les gens dans le futur ont besoin de nous, un pamphlet contre le désastre écologique que nous accomplissons et le monde pourri qu'on va laisser à nos enfants : c'est globalement ce qu'on comprend être l'axe de réflexion qui mène à la guerre temporelle que l'on observe. Mais le propos semble expédié, comme une couche de peinture à la va-vite pour expliquer l'inexplicable.


Travail cependant bien ficelé autant au niveau de l'image et du son, la vacuité du scénario est rattrapée par un casting comme toujours chez Nolan impeccable. Les relativement nouveaux JD Washington et E Debicki sont aussi efficaces que naturels. Washington est paré pour les prochaines licences d'action dans lesquelles il va se retrouver (on parle de James Bond, de Marvel [vu qu'une place vient de se libérer, comme quoi la vie est aussi une question d'opportunité]). Et je suis assez impatient de voir Debicki dans de prochain rôle. Elle n'est pas particulièrement charismatique mais son jeu m'a plu. Finalement, c'est Pattinson qui a le rôle le plus étrange. Il est à la fois un personnage qui cache ses véritables desseins dans la narration et dans sa construction. C'est à se demander s'il n'est pas Nolan lui-même se cachant dans son film en acteur omniscient de sa propre narration. Tordu ? Autant au niveau du look que du savoir, Pattison se distingue des autres personnages et c'est une théorie qui me plait bien.


On aura une pensée émue pour K. Branagh qui est définitivement et complètement mauvais pour les accents étrangers. C'est une purge à tous les niveaux. Entre Hercule Poirot et son personnage russe, je n'arrive jamais à le croire. Mais bon, détail me direz-vous !


Pour conclure, TENET n'est pas un mauvais film. De mon point de vue, c'est un mauvais Nolan mais on garde quand même un certain standard en termes de qualité. J'ignore si ce film est le film sauveur du septième art mais ce que je sais, c'est qu'il va en repousser plus d'un. Dommage de l'avoir érigé en symbole. Vraiment dommage.

BlackHornet
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le 25 sept. 2020

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BlackHornet

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