Je n'aurais probablement jamais entendu parler de Terror Tract (et l'aurais encore moins regardé) s'il n'avait pas été le second DVD d'une édition du Projet Blair Witch fort peu onéreuse.
Apparemment ce film a remporté quelques prix et a fait bonne impression aux festivals auxquels il a été projeté, cependant lorsque l'on voit ses notes sur IMDB ou Senscritique ça ne stimule pas la curiosité. Ça lui donne un coup de poignard inopiné entre les omoplates.
Mais si cette dernière survit grâce au casting (John Ritter (Ça) ou Bryan Cranston (Malcolm, Breaking Bad)), à l'évocation des récompenses, ou encore si elle est catalysée par l'obligation éthique de voir un film que l'on a acheté - même sans le vouloir - alors vous pourriez ne pas regretter le détour.

Il s'agit d'un film à sketches, style Les contes de la crypte ou Body bags, sauf qu'ici la narration ne se fait pas en brisant le quatrième mur avec un conteur qui se veut d'emblée glauque et grandiloquent.
Nous avons un agent immobilier (John Ritter) d'apparence très (trop ?) normale qui raconte à ses clients, par obligation légale, les événements horribles qui se sont déroulés dans les maisons qu'il essaie de leur vendre dans cette banlieue anonyme à l'apparence très propre, un peu comme à Eerie, Indiana (Marshall et Simon).

Les histoires qu'il raconte sont toutes prévisibles et paraissent s'inspirer très fortement (voire adapter) des légendes urbaines.
Ils se débarrassent de la moins bonne en premier (Nightmare), la plus ennuyeuse (c'est à dire la moins drôle ou la moins intéressante). Elle fait d'ailleurs fortement penser à un court de creepshow : Something to Tide You Over - avec Leslie Nielsen - en beaucoup moins bien évidemment. Trop mou, prévisible et téléphoné.
Une affaire d'adultère qui tourne mal. Je dis pas que d'habitude ça se termine en banquet, mais là la résolution est d'une ironie légèrement appréciable, bien qu'amenée par l'idiotie de l'héroïne.
Notons la présence de Wade Williams, que l'on voit souvent dans des seconds rôles (il passe sur TF1 à l'instant où j'écris ces mots d'ailleurs, si c'est pas beau ça.)

Le second (Bobbo) est beaucoup mieux, probablement mon favori. C'est celui avec Bryan Cranston en acteur principal (assez marrant d'ailleurs, tant il s'investit à fond pour donner de la crédibilité aux situations les plus loufoques), très fortement inspiré de Monkey Shines (1988 quand même) ou encore plus arbitrairement de la nouvelle Le Singe de Stephen King (où le singe est un jouet de mauvais augure) et de son adaptation non-officielle.
Parmi les trois sketches, c'est celui qui a le plus grand côté absurde (volontairement, j'ose le croire) et donc le plus divertissant. Il a aussi les meilleurs acteurs. D'ailleurs, détail qui m'a fait rire : des années plus tard, dans un épisode de Malcolm un personnage (Craig) se retrouve en fauteuil roulant et décide de se faire aider quotidiennement par un singe qui s'avérera aussi très menaçant. Or Bryan vient l'aider à lutter maladroitement contre la petite créature maléfique. Blagues des scénaristes ? Très peu probable que ce soit une coïncidence - j'ai plus vu beaucoup de séries avec des macaques homicides ces derniers temps - c'est plus un clin d'œil amusant.
Voilà pour l'anecdote.

Le dernier récit (Come To Granny) est celui que porte l'acteur le moins talentueux/charismatique mais qui - pour être juste - n'a pas un rôle toujours facile, et il donne au moins vraiment l'impression d'être un lycéen, contrairement aux autres highschoolers trentenaires habituels. Comme dans les deux autres il n'y a rien de vraiment paranormal, sauf que cette fois-ci le héros a des dons de médium (dons plus ou moins reconnus à quelques occasions dans la vie réelle par la police (américaine par exemple), même si les vrais sont beaucoup moins spectaculaires évidemment. Suffit de regarder La soirée de l'étrange avec Dechavanne et Carmouze pour se rendre compte, entre un mec qui cligne des yeux à une vitesse " surnaturelle " et un ufologue qui se contente de regarder les étoiles - yeux nus - assis dans son jardin, qu'en réalité les indices qu'ils découvrent sont beaucoup moins explicites.)
Bref, digression à part, on a un slasher dans celui-ci : le Granny Killer. Un tueur avec un masque de vieille dame et un couteau de boucher. Le truc cool c'est qu'ils essaient de lui donner des répliques incisives à la Freddy Krueger ou à la Schwarzenegger (" Stick around ") mais c'est beaucoup moins cool et plus répétitif. C'est plus du style " Come on and give a gentle kiss to granny " (je m'en souviens même plus exactement, c'est dire).
Le tout se déroule sans surprise malgré des intentions visant apparemment à retourner le spectateur. Cependant ce n'est pas vraiment ennuyeux et il faut noter certains efforts, comme la scène du malaise dans la voiture, qui si elle n'est pas très bien menée, était quasiment essentielle (plus palpitante en fait que la crise sous la douche ou dans les bras d'une fille, pauvre garçon).

Bon dans ces trois courts métrages la mise en scène est très anodine (on pense à un téléfilm à la Mick Garris adaptant des nouvelles de Stephen King avec trois francs six sous), il y a peu de moyens, les effets spéciaux sont très passables, la plupart des acteurs sont mauvais et le rythme est souvent proche de celui des pulsations cardiaques d'un neurasthénique sous Lexomil. Alors pourquoi est-ce que je ne regrette pas amèrement mon heure et demie ?

C'est simple, sans parler des quelques idées sympathiques, des bonnes intentions flagrantes et des bouilles connues, il y a une chose qui m'a fait très plaisir. Si les intermèdes avec l'agent immobilier et ses acheteurs potentiels sont bien appréciables, la conclusion qu'ils amènent est simplement parfaite dans son genre. Comme je le disais, sans trop gâcher la surprise : Eerie, Indiana, puissance mille. La fin, avant le sketch avec Cranston, est la partie la plus ubuesque du film, de loin. Elle contient aisément les meilleures répliques, ainsi que les meilleures performances de Ritter. Elle est extatique, elle libère l'ennuie qui a pu naître au cours de certaines scènes précédentes et le remplace instantanément en vous par une intense bouffée de plaisir sordide concentré. Je vais pas trop vous monter le bourrichon, une grande partie de l'effet est dû à la surprise, ou du moins au décalage avec l'ensemble, alors je n'en parle pas davantage au cas où vous voudriez voir ça pour la première fois.

En résumé, Terror Tract arrive à faire pencher la balance du bon côté en dépit de ses défauts.
On ne peut vraiment regretter d'avoir lancé ce film, et c'est ça l'essentiel.
À noter cependant que mes attentes étaient très basses, ce à quoi je dois une part de mon réconfort. Je le conseille quand même si vous tombez dessus et si vous n'avez rien d'autre à faire.
Nhoj
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le 29 déc. 2011

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Nhoj

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