Remettre en forme(s) deux dinosaures médiatiques

Guillaume Nicloux semble avoir pensé sa suite à L’Enlèvement de Michel Houellebecq comme une œuvre en deux temps, où tout est redoublé pour l’occasion : et l’intrigue, qui croise le quotidien d’une cure avec un récit familial d’une rupture amoureuse, et la frontière (toujours poreuse) entre réalité et fiction, et les acteurs principaux. Sur l’affiche siègent deux animaux, le serpent au corps sinueux et fuyant, l’éléphant lourdement étendu en position de détente. Allégorie amusante de cette dichotomie de la nature, séparée entre le faible et le fort, le gringalet et le massif. Pourtant, dans ce lieu qu’est la thalasso, les corps s’équivalent, se mettent à nu sans complexes : ce faisant, le cinéaste obtient un équilibre des forces en présence, équilibre d’abord physique et qui devient rapidement métaphysique. Car le long-métrage narre, en fin de compte, la naissance d’une amitié entre deux dinosaures d’un siècle voué à disparaître, reconnus dans les couloirs pour des rôles qu’ils ont pu jouer ou des images qu’ils véhiculent. Pourtant, derrière leur surface médiatique se cache une profondeur humaine, sensible même, et convie le spectateur à la partager. La structure du film épouse ainsi la dynamique de la thalasso : un espace de remise en forme(s), au sens propre comme au sens figuré. Grâce à ce cadre, Houellebecq et Depardieu quittent l’écran et reviennent à ce qu’ils sont en tant qu’individus, en tant qu’espèces corporelles, jusqu’au coup de théâtre final qui remet les pendules à l’heure, rappelant que Thalasso, derrière les impressions de réalité qu’il renvoie, n’est qu’une fiction. Porté par la très belle composition musicale de Julien Doré, le film de Guillaume Nicloux est un petit monument de drôlerie, une comédie à part qui ose imposer son rythme, imposer son image, imposer son humour. Surtout, l’œuvre trouve dans la filmographie de son cinéaste une place de choix : derrière l’impromptu franchement drôle jaillit l’errance de deux âmes en quête de sens dans un monde microcosmique qui n’en a guère. Inutile de tirer les cartes, foncez prendre part au jeu Thalasso !

Fêtons_le_cinéma
8

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le 22 août 2019

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