Alors il est clair que cette œuvre qui ne ressemble pas vraiment à un film tel qu’on a l’habitude de l’appréhender ne plaira pas à tout le monde, voire même pire, elle divisera totalement. Il y aura certainement un fossé entre ceux qui s’en délecteront et ceux qui ne lui trouveront aucun intérêt. A la lisière du documentaire, « Thalasso » nous invite à une cure thermale à Cabourg avec Michel Houellebecq et Gérard Depardieu dans leurs propres rôles. L’éclectique Guillaume Nicloux, adepte d’un cinéma différent et intransigeant, nous refait peu ou prou le coup de son magnifique drame « Valley of love » qui voyait le même Depardieu et Isabelle Huppert errer dans la Vallée de la mort à la recherche du fantôme de leur fils décédé. Ici point de sublime drame spectral et hypnotique mais un huis-clos qui condense tous les types d’humour peu communs. De l’humour sarcastique à l’humour noir, de l’humour pince-sans-rire à un humour proche de l’absurde, on nous sort clairement de notre zone de confort et ça fait du bien. Un type d’humour un peu disparu que ne renierait pas le Bertrand Blier des grandes années. Et c’est totalement réussi, à la fois corrosif et drôle. Nicloux, habitué d’excellents polars tout comme à tourner avec Depardieu, réalise une fausse suite de son « L’enlèvement de Michel Houellebecq ». Une œuvre qui était déjà hybride entre faux documentaire et vrai film et dont le titre explique l’intrigue. Mais qui permettait aussi à l’écrivain controversé de se laisser aller devant la caméra pour la première fois à l’écran et de surcroît dans un premier rôle, en l’occurrence lui-même.
Si vous n’aimez pas ces deux personnalités truculentes et particulières vous n’aimerez pas « Thalasso » puisqu’ils sont eux-mêmes, ou plutôt qu’ils incarnent la version d’eux-mêmes que le public imagine. Mais de voir ces deux « monstres » pester contre les soins de thalasso ou discuter de sujets hauts en couleurs, parfois proches du faux journal intime, et en toute liberté de ton, est un moment de cinéma qui vaut son pesant de cacahuètes. Si l’image est terne, c’est certainement volontaire de manière à exprimer la mort qui rôde enveloppée dans cet environnement en vase clos. Mais peut-être aussi cohérent avec l’aspect documentaire et pris sur le vif. On se régale des joutes verbales de ces deux phénomènes et on rit beaucoup si l’on est client de ce type d’humour très particulier. Voir Depardieu jurer et débiter ses expériences sexuelles à un Houellebecq atone, neurasthénique et persuadé qu’il pouvait gagner la présidentielle est un plaisir de cinéma qui ne se refuse pas. Il y a quelques baisses de rythme dans le dernier tiers et le fil narratif qui relie ce « Thalasso » à « L’enlèvement de Michel Houellebecq » apparaît tiré par les cheveux et dispensable mais cela permet quelques séquences totalement surréalistes. On ne s’offusquera pas non plus d’un épilogue délirant mais qui colle à la douce folie de cet objet cinématographique non identifié mais tout à fait recommandable. « Thalasso » est une jouissive proposition d’hédonisme à la sauce Nicloux qui n’a pas de prix. On en redemande !
Plus de critiques sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.