Déjà auteur de deux grands films cultes quelques années plus tôt ( Bad Lieutenant et The King of New York ) Abel Ferrara tourne en 1994 The Addiction : oeuvre théorique désamorçant les codes du film de vampires, chargée de références littéraires et philosophiques pour le moins stimulantes.
Visuellement somptueuse la photographie de Ken Kelsch ( opérateur fétiche du cinéaste ) nous plonge dans un univers malade, dévorant et dévoré de toutes parts ; fortement démonstratifs les dialogues de The Addiction y vont de leur petit commentaire sur des questions aussi diverses que le virus du SIDA, l'existentialisme sartrien ou encore la dépendance sous toutes ses formes... Mystérieux et formellement brillant ce petit cru du cinéma de Abel Ferrara reste fidèle à l'esprit de ses créations de la période "New Rose Hotel" : conceptuel, étayé par un montage passionnant et aléatoire dans le même temps, et théoriquement conséquent.
Le film - difficilement visible voire introuvable aujourd'hui - s'avère en grande partie porté par la prestation remarquable de Lili Taylor, future docteur en philosophie rapidement contaminée par un vampire dans les premières minutes du métrage ; visage atypique, voix ténébreuse comme un souffle de soupirail, accès d'humeur imprévisibles : la jeune actrice fait corps avec l'atmosphère unique dudit film. En outre l'apparition fulgurante ( et délicieuse ) de Christopher Walken en dandy immortel impose à elle seule le visionnage d'un conte underground suffisamment rare pour être vu, ne serait-ce qu'une fois... Brillant et captivant.