Abel Ferrara est un cinéaste aux films peu communs, pour ne pas dire aussi marginaux que lui. Dans la décennie 90, ses œuvres les plus connues (les moins inconnues, si vous préférez !) sont « Bad Lieutenant » (1993), « Nos Funérailles » (1995) et « King of New-York » (1990). Les thèmes traités sont bien souvent le pouvoir, la dépendance à celui-ci et la rédemption.
Réalisée en 1995, cette bobine dézinguée nommée « The Addiction » l'est à plus d'un titre. Kathleen, doctorante en philosophie à New York, se fait mordre par une femme vampire croisée en rue le soir. Pétrie de concepts de Kant et de Nietzsche, ceux-ci ne vont guère faire le poids par rapport aux pulsions (auto)destructrices qui commencent à la travailler sévèrement.
Au visionnage de ce film, malgré l'usage d'une pellicule noir et blanc, le spectateur risque d'en voir de toutes les couleurs. Ferrara nous a rarement parlé aussi bien de ce qu'est une dépendance : comme le dit l'héroïne, lorsque vous êtes dépendant à quelque chose ce n'est plus « Je pense donc je suis », mais bien « Je m'abandonne donc je suis », « Je faute donc je suis ». Le vampirisme et son expansion épidémique sont ici une métaphore sur, au choix, le sida, les drogues, la violence du genre humain... Au final, nous avons affaire à un portrait « noirissime » (ça existe ?) d'une société rongée par toute sortes de maux qu'elle entretient elle-même. Mais le cinéaste, heureusement, termine sur une note positive qui, loin d'un happy end, resplendit par sa pertinence.


(Cet article est paru dans le mensuel satirique liégeois "Le Poiscaille" n°15 de novembre 2011,
voir www.lepoiscaille.be)

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le 20 nov. 2011

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