Difficile de résister aux préjugés lorsque le premier rôle revient à un acteur dont le nom renvoi automatiquement à des films habituellement évités ou des comédies (un peu )lourdes. Jean Dujardin est trop bien connu pour ses pénibles prestations dans Brice de Nice, Lucky Luke ou Un gars et une fille... Certes. Mais Dujardin n'est heureusement pas perpétuellement habité par ses personnages passés, et c'est avec un certain soulagement que le spectateur le découvre dans The Artist.
Effectivement, le personnage de Dujardin (Georges Valentin) est un artiste. Ultra connu et adulé par une foule de spectateurs riant aux éclats face à ses pirouettes, Georges connait le succès, découvre l'amour et la parole, et voit malgré lui ses personnages décliner face à la chute violente et irrévocable du cinéma muet. Un verre d'eau, un aboiement, quelques gloussements et voila ce triste artiste oublié, misérable et rebuté. Georges Valentin subit le progrès : Sa femme, vivant naguère à ses crochets telle une vulgaire figurante, quitte également la scène, trahie. Un son, et Georges Valentin disparait, écarté au statut de simple spectateur et admirateur d'une star en plein envol : Peppy Miller (Bérénice Béjo). Les rôles s'inversent : Peppy Miller, jeune femme un peu timide, fervente admiratrice de Georges Valentin, se trouve bien malgré elle la cible de tout les regards. Une mimique de son acteur favori, et toute gène s'évanouie. Peppy Miller pose, rit, et tente à son tour sa chance dans les studios du « Kinograph ». Georges Valentin le lui avait dit, il lui fallait quelque chose que les autres n'ont pas : La voix. C'est là le début d'une histoire d'amour jalonnée par les jalousies, l'argent et la célébrité. The Artist regroupe les principales caractéristiques du film muet type, par la bande-son et le visuel... « Caracolesque » : oscillants ostensiblement entre drame, claquettes et franches clowneries.
The Artist, ou la critique du progrès, de la jet-set, et du système du cinéma actuel. Cependant, ça n'est pas le progrès en lui-même que Hazanavicius juge ici, mais son utilisation et les bouleversements qui en découlent. The Artist, un film miroir, régressif en apparence, mais illustrant en filigrane - et ce au-delà même du cinéma - la société d'aujourd'hui. Une avancée technologique, et tout ce qui la précédait est oublié. Alors que l'existence de Georges Valentin est détruite par l'arrivée du parlant, Peppy Miller fait de ce progrès sa principale source d'épanouissement.