Dujardin, pour moi comme pour beaucoup, ce fut d'abord Loulou, flanqué de sa blonde moitié Alex, dite Chouchou dans Un gars et une fille, champions toutes catégories du je t'aime moi non plus, des situations abracadabrantes et parfois cocasses avec réconciliations sur l'oreiller : Jean faisait le pitre, grimaçait, écumait, on marchait ou pas.

Et puis je le vis, écrivain alcoolique et désabusé dans Le bruit des glaçons : je n'étais pas encore totalement convaincue par l'acteur mais son côté caméléon commençait à me plaire.
Et voilà que je le découvre dans The Artist, un film qui ne m'avait pas tentée à sa sortie et que j'ai fini par aller voir hier sous la pression des uns et des autres, interpellée par le dithyrambe et l'engouement quasi général autour de la réalisation et de l'acteur.

Prise, je l'ai été dès le début : photographie, direction artistique, reconstitution d'époque assez remarquables m'ont fait entrer d'emblée dans ce "feel good movie" au parfum d'une époque révolue qui évoque avec bonheur les vieux classiques de la MGM et les chefs-d'oeuvre de Chaplin.
Nous sommes en 1927 à Hollywood, George Valentin, acteur du muet y est au faîte de sa gloire: gominé, élégant, look à la Gable et fine moustache, la star fait son entrée.
On connaissait Dujardin expressif, on le découvre jouant de toute sa physionomie avec une extraordinaire aisance, sourire éblouissant ou regard de chien battu à l'instar de son adorable petit compagnon à poils à qui il ne manque que la parole !

Face à lui , insolente et mutine, Peppy jeune ambitieuse aux dents longues, petite figurante qui n'a pas froid aux yeux, nous entraîne dans son sillage: démarche chaloupée, regard faussement innocent, bibi 1930 et tenues charleston que Miss Bejo porte à ravir.
C'est toute la nostalgie d'une époque que le film restitue, et par le biais d'un homme, le drame que représenta l'arrivée du Parlant, les lois du marché, la célébrité éphémère qui veut que l'apogée annonce inéluctablement la chute tandis que le temps qui passe propulse les uns et déboulonne les autres : "c'est la vie" peut-on lire, au moment où l'émotion est à son comble.
Une belle réalisation soignée, drôle et touchante servie par un acteur qui s'est véritablement révélé, et nul besoin d'être un familier du cinéma d'antan pour y adhérer: bravo l'artiste !

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le 31 janv. 2012

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Aurea

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