Faut se méfier de l'eau qui dort, vois-tu, car ça ressemble parfois à s'y méprendre aux contours d'un marécage boueux qui cacherait dans ses méandres troublés, dans l'ombre tamisée de son sein, un prédateur préhistorique aux dents acérées, qui attend le déclic, tapi dans la pénombre, transparent, pour te sauter à la jugulaire et se repaître de ton sang.


Le regard hagard du loser maître-chanteur, traversé par l'éclair, où souffle misère, ballottée, déchirée, malaxée et qui cogne aux murs de l'absolu désespoir.


Les charmes vénéneux du film Noir, la même mélopée désabusée, piquée par le même Noir et Blanc ouaté. L'écriture ciselée, métronome d'excellence, transcendée par un casting sur lequel plane la présence hypnotique de la fascinante statue Billy Bob Thornton.


Ed Crane est une tombe et c'est pour ça que Doris , son aimée, a voulu l'épouser. Lui, l'aime en silence, soumis, même quand elle s'abîme dans son alcool quotidien. Un amour platonique mutuellement consenti, qui les fait vivre en parallèle.


Elle l'a choisi pour ses silences. Il a laissé faire. Mutique, il y a toujours un gamin comme ça au coin des cours de récréation de toutes les écoles du monde, qui contemple le fatras des hommes, un brin d'herbe au coin des lèvres.
Placide, en grandissant, il a fini par se fondre dans le décor, jusqu'à peu à peu se confondre avec les meubles, les photos qu'on voit sans les voir, placardées sur les murs du salon de coiffure de son beau-frère, où Ed est barbier.
Un beauf aussi large qu'Ed est fin, aussi bruyant, à jacqueter tout le temps, que Crane aime le silence.


Mais c'est le patron, alors, il l'écoute sans broncher, un clope au coin des lèvres.


Un coiffeur qui ne parle pas, tu me diras, on ne voit pas ça tous les jours.


Faudrait être dans sa tête, pour entendre la mélodie mélancolique qu'il susurre, a capella, et où il livre tout. Ses rêves, le remous des remords, la passion pour cette lolita qu'il voudrait emporter plus loin qu'elle ne le voudrait elle-même.


Impassible pour les mortels, le visage dévoré par l'éternel nuage nicotine, il égrène l'impossible chemin qui le fera ricocher jusqu'au trône des malfaisants : la chaise et la fée électricité.


Un classique instantané, à ranger soigneusement entre « Assurance sur la mort » et «Le Grand Sommeil».


Avec délicatesse.

DjeeVanCleef
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le 8 avr. 2015

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