Le found footage. Popularisé par The Blair Witch Project, ce sous-genre du cinéma d’horreur aura donné lieu à quelques œuvres inspirées – le magnifique [○REC] – mais surtout à des quantités industrielles de métrages paresseux. Voyons ce que cela donne entre les mains d’un réalisateur oscarisé.
D’habitude, un found footage, c’est une vidéo dont l’auteur n’est probablement plus de ce monde, témoignant d’un fait horrible et retrouvée quelques temps après les faits. Ici, nous avons plus affaire à un montage de plusieurs vidéos initialement confisquées par le gouvernement, mais rendues accessibles grâce à un succédané de WikiLeaks. Nous baignons en pleine théorie du complot.

Surtout, nous baignons en pleine horreur. Avec The Bay, Barry Levinson multiplie les points de vue, au moyen de caméras professionnelles ou amatrices, smartphones, webcams, caméras embarquées dans les voitures de police, etc… Il n’a pas besoin de recourir aux effets putassiers comme le jump scare – dont le but n’est pas d’effrayer le spectateur mais bien de le surprendre – pour créer une atmosphère horrifique. Et c’est bien ça le plus important dans ce genre de film, et qui a permis à [○REC] et The Blair Witch Project de fonctionner en leur temps : l’atmosphère. En s’immisçant au plus près du calvaire des personnes qui ont vécu cela de plein fouet – citoyens, policiers, médecins, reporters, etc… – The Bay fait réellement peur. Rien que pour cela, nous ne pouvons que féliciter le réalisateur, car le propos des films d’horreur actuels n’est justement plus d’angoisser le spectateur, mais seulement de l’effrayer suffisamment sur l’instant pour lui procurer sa décharge d’adrénaline. Jamais de le mettre mal à l’aise. Cette production marche d’autant mieux que, à la différence des innombrables histoires de zombies, nous ignorons ce qui touche la population, et le scénariste a recouru à une menace originale autant que bien dégueulasse.

Bien entendu, Barry Levinson ne réalise pas un found footage purement par hasard, ou parce que c’est dans l’air du temps. Il a un propos à défendre, comme George A. Romero en son temps. La baie de Chesapeake, où se déroule l’action de The Bay, existe bel et bien, et souffre d’une pollution délirante qui ne parait pas inquiéter plus que cela les autorités locales. Et le cinéaste a jugé qu’une fiction serait plus efficace qu’un simple documentaire pour toucher le public. Le cinéma d’horreur comme vecteur de message ou miroir de notre société moderne, l’idée n’est pas neuve mais fonctionne toujours. Et si les conséquences présentées dans The Bay sont clairement disproportionnées, les faits qu’il évoque suffisent à foutre les jetons !
Le réalisateur n’hésite d’ailleurs pas un seul instant à attaquer des autorités qu’il jugent incompétentes : corrompues, lentes, incapables de communiquer entre elles et de prendre des décisions, quelles que soient les raisons, cela ne pouvait aboutir qu’à une catastrophe. Le seul organisme réactif, c’est le FBI. Non pas pour aider la population, mais pour museler l’information.
Nous pourrons reprocher quelques facilités dans l’écriture, comme le déclenchement de l’épidémie pile le jour de l’année où l’Américain moyen avait le plus de chance de sortir son caméscope. Mais cela ne représente pas grand chose face à la puissance horrifique de ce found footage macabre de la génération WikiLeaks. A 71 ans, Barry Levinson nous offre une leçon de cinéma.

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le 11 janv. 2014

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Ninesisters

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