La krach financier de 2008 a ressuscité le « Wall Street movie » avec ses patrons charismatiques (Wall Street – L’Argent ne dort jamais, 2010), ses traders BCBG (Margin Call, 2012) et ses victimes collatérales (The Company Men, 2010). Même Martin Scorsese à donné de son énergie débordante dans le désopilant Loup de Wall Street, sans compter les innombrables documentaires plus indignants les uns que les autres. En somme, tous les aspects de la dernière crise financière semblent avoir été traités… Faux ! Comme dirait l’autre.


Quatre financiers se rendent compte dès 2005 qu’un grave effondrement économique est à venir. Ils décident envers et contre tous de parier sur le pire à venir avec la perspective de gagner des milliards.


Parmi la jungle des déplumés, il y a bien quelques financiers qui ont flairés « le bon coup ». Cette histoire contrecarre avec l’habituelle chute des empires pour montrer une vision différente, pas forcément plus humaniste, mais permettant de comprendre les origines de la crise des subprimes. Invraisemblable en surface par la solidité des placements dans l’immobilier, la possibilité d’un krach devient la lubie de personnages hauts en couleur, forts en personnalité comme les acteurs qui les interprètent. En effet, le casting ne fait pas dans la demie mesure avec Christian Bale, définitivement à l’aise dans les rôles de weirdos pas très loquace ; Steve Carell, acteur d’exception bien au dessus de son image de rigolo de service depuis Foxcatcher ; Ryan Gosling qui dépasse étonnamment son beau gossitude léthargique en incarnant un salaud tordant ; et Brad Pitt, repenti de ce monde de fous et particulièrement terre-à-terre par rapport aux événements de la vie. Ce dernier possède aussi la casquette de producteur.


The Big Short est un film de personnages comme le confirme le réalisateur Adam McKay : « On ne s’intéresserait pas aux détails financiers s’il n’y avait pas ces gars là pour nous servir de guide. » Affublés de moumoutes, les visages teintés d’orange par les UV ou encore les costards déjà hors de mode, les personnages ont un sacré potentiel à devenir culte comme certaines lignes de dialogues de ce script savoureux. Pourtant, le fond du sujet n’a rien de marrant et la comédie ne prend jamais toute la place sur la dramaturgie des événements qui se déroulent sous nos yeux. Parfois stéréotypé (les traders peu scrupuleux aux sourires étincelants ou le propriétaire qui ne peut plus payer son crédit), The Big Short n’en demeure pas moins intéressant car il arrive à développer une dynamique didactique pour ne pas perdre le public dans un fouillis d’anagrammes ou simplement nous prendre pour des cons. Il y a des analogies bien emmenées et surtout, de petites scènes où des personnalités inattendues (Margot Robbie, Selena Gomez,…) s’adressent directement à la caméra pour nous expliquer certains principes économiques. Tout cela confère de l’originalité et du rythme, sans oublier les ellipses à base de photos et d’images d’archives qui ancrent le récit dans une réalité palpable. La bande son se fait également remarquée avec ces choix rock’n’roll dans des intermèdes très imagés !


The Big Short aurait il été un des films de l’année sans son casting exceptionnel ? En tout cas, il ne serait pas certain que la crise des subprimes auraient été si intéressante à suivre. Très bien écrit, subtil et drôle sans pour autant perdre de sa verve explicative et réaliste, le film montre une vision nouvelle d’une forme d’injustice qui gouverne notre monde : celle des chiffres. Le cynisme de se faire une fortune sur la misère des autres est dépassée par un bon nombre de nuances incarnées par chacun des personnages. The Big Short c’est aussi un moyen simple de prendre conscience d’un univers qui nous dépasse par sa complexité (artificielle ?). A l’heure où le Big Data prend une place démesurée dans les transactions financières notamment, on est en droit de croire que la leçon n’a pas été retenue à l’image de la puissante conclusion qui clôt le film. Pas sûr que tonton Karl appréciera.

ZéroZéroCed
8
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le 21 sept. 2016

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ZéroZéroCed

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