Birth of a Nation c'est tout d'abord un énorme succès de festival. Double lauréat prix du public/prix du Jury à Sundance, il nous provient des USA avec une certaine hype et l'impression d'une certaine importance. Tout comme 12 Years a Slave, l'autre grand film récent sur l’esclavage ,Birth of a Nation se base sur une histoire vraie. Celle de Nat Turner, prêcheur évangélique qui, en 1831, organisera l'un des plus grands soulèvements d'esclaves de l'histoire, tuant plus de 60 propriétaires terriens.


Premier vrai film de l'acteur américain (vu par exemple dans l'actionner Non-Stop), il s'étouffe dans son classicisme et son ambition. Là ou Steve McQueen utilisait la crudité et la froideur typique de son cinéma pour développer son sujet et l'envelopper dans une aura cruelle et nihiliste, le film de Nate Parker se révèle beaucoup plus convenu dans sa mise en scène. Les fulgurances se font rares, et Parker a du mal à rendre son film intriguant ou particulier. Si il parvient, dans une première partie correcte mais carrée, à développer son idée de la vie dans les plantations de coton, il bafouille difficilement dans les scènes plus ambitieuses. Quand il montre la cruauté des maîtres sur leurs esclaves, le tout sonne un peu faux, lorsqu'il tente d'évoquer la foi de Nat Turner, on tombe à deux pieds dans le grandiloquent le plus forcé.


Le grand problème du film, c'est son côté évangélique. Décrit sans aucun recul comme un envoyé de Dieu et ce, dès les premières minutes du film, Nat Turner est rendu beaucoup trop simpliste. Jamais le film ne semble s'interroger sur ses actions, ses pensées ou ses motivations, justifiant tous ses choix par sa foi. Quand on sait que le vrai Nat Turner était un quasi-lunatique, guidé par des visions et certain d'être l'arme du Christ sur terre, on peut regretter cette édulcoration du personnage. Ce qui aurait pu être un être à plusieurs visages et à la psychologie profonde est ici balayé et remplacé par un quasi-messie manichéen.


Le choix choque encore plus quand on se rend compte que le réalisateur a décidé de s'attribuer le rôle principal. De film honnête mais maladroit, Birth of a Nation se transforme alors en Ego-Trip à la lourdeur sans nom. Nate Parker n'est pas un mauvais acteur, mais il se dessert par l'utilisation d'affreuses musiques mélodramatiques et d'une réalisation pompière faisant passer les sermons et discours de Nat Turner pour des Motivational Speech tout droits sortis de Youtube.


C'est dommage que le film soit traité avec cette lourdeur pachydermique, car il n'est pas exempt de qualités. Il est malgré tout fabriqué avec une honnêteté et une rage authentique, qui transparaît à chaque instant. C'est un film maladroit, mais ce n'est pas un film faux. On sent la passion de Nate Parker pour son projet, pour cette histoire, pour l'Histoire américaine, et si il ferait bien de un peu de recul par rapport à la place trop importante qu'il prend dans son film, il y a quelque chose de particulier dans sa performance.


Peut être l'admiration de Nate pour Nat est trop grande pour saisir entièrement les côtés négatifs de ce personnage contrasté? Peut-être Nate Parker doit encore affiner son cinéma? Ce qui est sur c'est que l'histoire racontée est malgré tout intrigante et Birth of a Nation aurait pu être un grand film si il n'était pas gâché par une vision trop simpliste de ses personnages et de l'art cinématographique

Omiya
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le 21 oct. 2016

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