La version colorisée de la naissance d'un navet, pardon d'une nation

Par un pur hasard du calendrier, c'est pour le Martin Luther King Day que je me suis infligé The Birth of a Nation. Cet homme illustre n'aurait pas vraiment apprécié l'attitude de Nat Turner, dont le film raconte sa vie, sa révolution et pendaison. On n'est pas du tout dans la non-violence, mais on est surtout très loin d'un film coup de poing poussant à la réflexion. C'est une oeuvre manquant de profondeur et se contentant de mal filmer et jouer une nouvelle histoire affligeante de la belle Amérique.


Dès le début, on est frappé par l'amateurisme de la mise en scène. Certes, on a vu de nombreux films prendre de la hauteur au fil du récit, mais le temps ne va pas permettre à l'acteur et réalisateur Nate Parker de relever le niveau. C'est très scolaire, mais niveau primaire. Cela devient embarrassant, on se demande comment ce truc a pu avoir autant de prix et avoir un temps était envisagé pour des nominations aux oscars. Les votants ont du croire que c'était une ressortie en version colorisée de The Birth of a Nation et en gâteux croulants nostalgiques du bon vieux temps, ils se sont empressés de couronner ça, sans le voir. Je ne vois pas d'autres explications possibles, en dehors d'un besoin irrépressible d'encenser un film pour éviter d'être à nouveau taxer de racistes lors des cérémonies.


Nate Parker a voulu faire son Braveheart, mais il n'a ni le talent de réalisateur de Mel Gibson et encore moins son charisme. Par contre, il semble partager la même adoration pour la bible et le sang. Il va nous en faire l'éloge avec en fond une musique aussi raffinée que son propos. Comme Nat Turner est un prêcheur, on se tape ses sermons manquant de vie. C'est plat et on s'ennuie royalement alors que le sujet est très grave. On commence à se perdre dans les détails, comme la manucure impeccable de Cherry (Aja Naomi King). Le film a été tourné en moins d'un mois avec un budget limité, mais cela n'excuse pas ce genre d'erreurs. Sa simplicité narrative est plus affreuse que les faits, tout comme le manque de subtilités dans le jeu des acteurs(trices). Ils sont tout simplement déplorables. On se demande s'il y avait un metteur en scène sur le plateau ou s'il était trop occupé à se regarder le nombril. On peut tout de même apprécier qu'ils soient noirs ou blancs, ils sont tous unis dans la médiocrité, c'est émouvant.


La religion pour asservir les hommes, violer leurs femmes, les torturer, les revendre ou les tuer sans avoir besoin d'une raison, juste pour le plaisir..... L'homme noir est considéré comme un objet, voir un animal de compagnie et la seule image qui restera dans mon esprit, c'est cette petite fille noire souriante, entrain de courir avec une corde autour du cou derrière une petite fille blanche. La corde comme laisse, mais pouvant aussi servir à une future pendaison. Cette violence visuelle, renvoyant à diverses images perturbantes, aurait dû être la ligne directrice de ce film. Mais Nate Parker a voulu se mettre en lumière en reléguant son propos dans une sorte de cage ou on enchaîne et arrache les dents des insoumis. Il se voit en sauveur, élu par dieu, juste parce qu'il sait lire la bible, c'est mince. Sa révolution ne va pas faire long feu et on veut nous faire croire qu'elle a fait peur à tout le pays, ça va les chevilles?


"Qui sème la haine récolte la violence" ce bref soulèvement est une conséquence de l'attitude des blancs à l'égard des noirs. Il est amplement justifié, mais on peut se demander quel est l'intérêt de nous conter cette histoire, alors qu'elle ne mènera à rien. Nat Turner ne fera pas d'émules et le retour de flamme sera tout aussi sanguinaire. C'est comme les films de Peter Berg, il prend une histoire permettant de sublimer le courage des américains avec une grosse couche bien grasse de patriotisme. Nate Parker utilise le même procédé, avec une musique écrasante pour bien appuyer le côté prophétique de son héros. C'est à ce moment que je peux dégainer l'excellent et éprouvant 12 Years a Slave de Steve McQueen. La comparaison finit d'achever un film manquant de souffle romanesque, de profondeur et le pire, d'émotions. Pourtant, on a droit à toute la panoplie avec une suite de clichées, mais rien n'y fait, cela transpire la médiocrité et on en sort profondément déçu.


Un spectateur a applaudi à la fin du film. Il s'est tellement senti seul, qu'il a vite mis fin à sa crise d'épilepsie. C'était le meilleur moment durant la séance, merci à toi.

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le 16 janv. 2017

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Laurent Doe

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