Une première oeuvre maîtrisée formellement, mais alourdie par quelques absurdités scénaristiques

D'un point de vue formel, ce premier essai du réalisateur du récent The Strangers, Na Hong-jin est une réussite stupéfiante. Entre ruptures de tons et digression des genres, le réalisateur coréen parvient à créer une sorte d'équilibre fragile tout juste rattraper dans ses outrances par une mélancolie imagée du plus bel acabit.


Rythmé, percutant, ultra-violent, ce thriller maniéré n'en oublie pas pour autant de poser un regard juste sur certaines dérives de la société coréenne. Les corps marchandisés sont vendus à des requins ignobles qui les usent et les maltraitent jusqu'à en enlever toute trace d'humanité. La police est engagée dans une logique de hiérarchisation des délits, semblant avoir plus d'intérêts pour une quelconque affaire politicienne que pour les disparitions de prostituées.


Tout semble dérapé dans cet étonnant film à contre-courant qui navigue sans cesse entre deux eaux. Polar pur et dur, drame psychologique, comédie situationnelle mettant en abîme les absurdités d'une enquête qui semble s'engluer dans quelques affligeantes dérives. D'ailleurs ce côté un peu trop appuyé dans une sorte de second degré que l'on voudrait involontaire, nuit profondément à la tenue générale de l’œuvre.


Certains raccourcis sont incroyablement maladroits et la mise en scène n'en ressort pas obligatoirement à son avantage. Les interprètes en font parfois un peu trop et le dernier tiers du film appuie considérablement sur cet aspect néfaste. Même si les démarcations empruntent d'ironie et de second degré viennent volontairement contrebalancer ces outrances et ce côté cheap, cette sorte de free-style que semble s'imposer Na Hong-Jin nuit beaucoup au film et l'empêche d'accéder à un statut supérieur d’œuvre majeure de la nouvelle-vague coréenne.


Ce qu'un auteur comme Bong Joon-ho avait réussi avec l'excellent Memories Of Murder, Thriller champêtre de haute volée, celui de The Chaser n'y parvient qu'à moitié. L'alliance du tragique et du comique de situation n'étant pas toujours justement dosée, car souvent trop appuyée et s'embarrassant d'absurdité scénaristique tournant parfois au ridicule.


Le formalisme quant à lui, est maîtrisé d'un bout à l'autre, avec notamment des scènes nocturnes magnifiquement mises en image, et une violence savamment dosée qui donne un aspect suffisamment stylisé pour ne pas tomber dans l'ultra-violence crasseuse. Tout ça allié à une mise en scène nerveuse et superbement maîtrisée pour une première œuvre
.
Dommage que les inutiles lourdeurs du script et une fin qui se traîne viennent entacher la finalité de ce thriller remarquablement mis en images.

Créée

le 12 juil. 2016

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