King of Comedy

... et ben c'est un bon film ! J'y croyais pas trop, j'avoue, DeNiro enchaînant plus de mauvais que de bons, et puis le pitch étant assez casse-gueule, prétexte, comme c'est la mode depuis quelques années, à réunir quelques dinosaures du cinéma hollywoodien.

Le scénario n'est pas forcément très bon. Ça part un peu dans tous les sens : la grossesse, même si l'aspect familial est abordé, sert surtout à faire avancer l'histoire, à l'emmener quelque part, mais ce n'est clairement pas une direction que l'on envisage durant la première moitié du film ; ça commence comme un récit intimiste sur ce comique qui patauge un peu en fin de carrière, tout a l'air de se dérouler en peu de temps, comme si nous n'allions pas forcément voir son regain de notoriété, et puis ça se barre en cacahuète, ellipse spatiale puis ellipse temporelle avec happy ending.

Mais le scénario est bon. Parce qu'il comporte pas mal de bonnes scènes. Parce que les auteurs prennent leur temps (au final il n'y a pas beaucoup de scènes, on passe beaucoup de temps à regarder les comiques faire leur show) et exploitent au maximum leurs idées et leurs personnages. Parce que c'est réellement drôle : les gags sont bons, même DeNiro est convaincant dans ce rôle et digère plutôt bine l'humour. Bon, le premier show n'est pas terrible (je ne sais pas si c'était fait exprès... si oui, c'est une façon un pue nulle de monter qu'il n'a plus la cote, parce que être sur le déclin ne veut pas forcément dire qu'on est moins bon... mais j'ose espérer que ce n'était pas volontaire car sinon on n'assiste jamais vraiment à l'évolution du personnage, il est lui-même du début à la fin et conserve son style, c'est juste qu'il est au bon endroit au bon moment, j'y reviendrai) et je ne suis pas fan non plus de son gimmick qui consiste à se baisser et parler à soi-même. C'est touchant aussi parce que ça touche à quelques questions de société ; les auteurs ne prennent pas trop de risque (comme la place du père par rapport à la mère quant à la décision de l'avortement).

La mise en scène est un peu cheap. Ce n'est pas mal filmé, c'est juste qu'on sent qu'il n'y a pas beaucoup de budget. Mais en voyant le casting, je me dis qu'en fait, les acteurs ont dû coûter plus cher que le film, même en baissant leurs salaires. Mais ça ne dérange pas, ça participe du côté intimiste de la première moitié du film. Le découpage est efficace, on voit ce qu'il faut voir. Le montage fonctionne aussi, c'est dynamique, on ne traîne pas, on ne va pas trop vite non plus. J'aime beaucoup les lieux filmés : ce n'est pas le New York que l'on voit le plus souvent. Après, ça fait un peus érie télé la manière dont c'est filmé, la manière de placer les plans de buildings mais bon... on se sent dans un New York un peu différent et c'est bien.

Le casting est impeccable : les fans de la série "Louie" seront ravis de retrouver quelques uns de ses potes dans ce film-ci (ce qui donne en même temps une idée de l'humour de ce film-ci) ; DeNiro s'en sort très bien (je me demande s'il a réussi à improviser ou si tout était écrit*), la confrontation avec Grodin (m'a un peu émue) est très chouette, celles avec Keitel envoient du lourd et donnent sacrément envie que Scorsese sorte son "The Irishman"**, le lien de parenté avec DeVito est surprenant mais fonctionne, le couple formé avec Mann est plutôt mignon. La musique est assez agréable, jazzy ce qui convient parfaitement (et classiquement on va dire) au thème des comiques, puisqu'il est question d'improvisations.

Pour en revenir au regain de notoriété, je suis assez content de l'image que les auteurs donnent du métier et qui correspond à n'importe quel pratique artistique. Ce que l'on voit, c'est un type qui n'abandonne jamais, qui insiste, qui résiste au refus, qui fait des concessions, qui prend sur lui-même, qui apprend des choses qui observe le monde et s'en sert pour créer mai son nous montre aussi que ça ne suffit pas, qu'il faut aussi être au bon en droit au bon moment, qu'il faut créer des buzz ; parce que le personnage n'évolue pas de tout du long, ses sketches ne sont pas forcément mieux écrits à la fin (personnellement, je le trouve plus à l'aise dans les scènes où le personnage improvise totalement que lorsqu'il fait sa 'routine' en stand up) quand il est de nouveau bankable, non, c'est juste qu'il a su faire parler de lui et maintenant les gens le voient différemment. Tout cela m'a un peu fait penser à une interview de James Gunn que j'ai découverte il y a peu : https://www.youtube.com/watch?v=LSaDADV3htc
Dedans il y explique "comment réussir". Je ne suis pas d'accord avec tout ce qui est dit dans cette interview, mais dans les grandes lignes, je suis d'accord. Et je pense que dans ce film, les auteurs vont à peu près dans le même sens.

Bref, "The comedian" est une comédie assez agréable à regarder : ça part un peu dans tous les sens dans la deuxième moitié, on sent les auteurs un peu paumés, mais ça reste divertissant et puis le casting s'en sort assez bien. Et puis, je suis bien content que Scorsese n'ait pas réalisé ce film malgré la volonté de nombreuses gens. Parce que ça n'aurait pas été le film que j'ai vu ici qui mérite pourtant bien d'être ce qu'il est.

*apparemment, il a été coaché par une comédienne qui apparaît d'ailleurs assez longuement dans e film (et se fait passer pour l'élève de DeNiro), c'est d'ailleurs à elle qu'il a piqué le gimmick qui me déplaît (je me demande si elle le fait mieux que lui) ; je ne sais pas s'il a beaucoup improvisé, mais je vois, et c'est plutôt intéressant comme démarche, que deux scénaristes ont été engagé pour la partie dramatique et deux autres pour les sketches.

**en fait non, je retire ce que j'ai dit : je viens de découvrir qu'il y aura plein de flashbacks dans ce film et plutôt que d'engager des jeunes acteurs comme on faisait dans le temps, Scorsese va utiliser la technique Benjamin Button, c'est-à-dire rajeunir son casting numériquement... l'horreur !