Cette critique contient des spoilers.

The Dark Knight Rises clôt de belle façon une trilogie ambitieuse entamée avec brio en 2004, avec l’inattendu Batman Begins, puis portée à son zénith en 2008, avec le monumental The Dark Knight. Même si cette conclusion n’est pas exempte de défaut et de maladresse scénaristique, il faut quand même reconnaître à ce dernier film de Christopher Nolan, une réalisation technique quasiment irréprochable, ainsi qu’un rythme trépidant entretenu avec brio durant 2 h 40.

Le scénario est à la fois intelligent et habile, en rattachant son intrigue aux deux premiers volets à travers de nouveaux personnages, mais également décevant par rapport au fameux dessein que poursuit Bane, trop flou pour être vraiment crédible. Pourquoi se donner tout ce mal pour faire évader tous les détenus de Blackgate et instaurer une loi martiale à Gotham (au passant, les habitants n’ont pas l’air de trop en souffrir, en restant gentiment cloîtrés chez eux), pour finalement vouloir rayer la ville de la carte ? De plus, la menace par l’arme atomique manque cruellement d’originalité et fait trop dans la facilité. On peut dire la même chose sur le fait que Nolan s'appuie trop sur l'actualité du moment et notamment la crise économique, pour servir de toile de fond à son récit.

Ce qui est au contraire réjouissant pour l’inconditionnel du super-héros, c’est cette fidélité aux comics (les sagas Vengeance of Bane, Knightfall et Bane of the Demon) qui est une fois de plus admirablement mise en avant. Même si Nolan a habilement manipulé le fan en apportant une légère relecture, en lui faisant croire que c'était Bane enfant qui réussissait à s'échapper de la prison (comme dans le comic), alors que l'on apprend finalement que c’est Talia enfant qui y parviendra. Là où le bât blesse lors d’un flashback, c’est lorsque l'on voit une très jeune Talia et un Bane déjà adulte dans la prison (ce qui sous-entend que Bane s'en est aussi échappé, juste après Talia). À ce moment-là, pourquoi nous dit-on que seul un enfant est arrivé à s'échapper ? Et puis la différence d'âge des deux vilains n'est nullement crédible lors de ce passage, à moins que l'on veuille nous faire croire que Tom Hardy était adolescent dans la prison, en lui rajoutant simplement des cheveux… Le plus jouissif parmi toutes ces inspirations issues des comics, restera bien sûr le premier affrontement entre Batman et Bane, sans musique pour souligner la brutalité physique et morale du combat. Une scène très efficace et difficile, qui nous donne de la peine et nous fait frissonner pour notre héros préféré. Un moment particulièrement savoureux pour le fan de comics qui se souviendra de cette scène mémorable issue de la saga Knightfall.

Le récit semble être ici débarrassé de toute contrainte de lieu et de temps, avec des ellipses improbables. Tout d’abord, pourquoi Bruce est-il si mal en point au début du film, alors qu'il prétend avoir raccroché juste après la scène finale du précédent opus ? Il a eu tout de même 8 ans pour récupérer de son affrontement avec le Joker, qui n’avait d’ailleurs pas été si physique que cela. Ensuite, Bruce se retrouve dans une prison d'on ne sait où (l’initié peut supposer qu’il s’agit de l’Asie) et semble revenir à Gotham avec une facilité déconcertante (san pièce d'identité, ni passeport, ni argent). Sinon chose curieuse, il fait pratiquement tout le temps jours durant le film (excepté dans quelques rares scènes). Nous n’avons pas l'impression d'assister à un film sur Batman, puisque le héros évolue habituellement la nuit. Si l'on enlève l'ambiance nocturne à notre cher chevalier noir, il en perd forcément un peu de sa saveur. Un choix surprenant qui a de quoi laisser perplexe… Il est donc décevant de ne plus retrouver le Gotham nocturne et inquiétant de The Dark Knight, car la saga perd ainsi un peu de son charme.

Concernant le traitement des personnages, commençons par la principale attraction du film, Bane. Tom Hardy campe un terroriste impressionnant à la grosse voix terrifiante (même s’il ne vaut clairement pas le Joker de The Dark Knight), mais qui perd toute sa superbe lorsque l'on apprend que ce n'est finalement pas lui le cerveau, mais seulement le garde du corps de Talia al Ghul. De plus, sa mort est trop vite expédiée et donc déçoit (le passage où il est à terre et respire avec difficulté prête aussi à sourire, car cela rappelle un peu trop Dark Vador). Maintenant, même avec la masse musculaire qu’il a gagné, cela paraît quand même surprenant que Tom Hardy parvienne à soulever Christian Bale (et sa combinaison en kevlar qui pèse assez lourd, rappelons-le) pour lui briser le dos. Il aurait été plus judicieux de recruter un bobybuilder avec des muscles épais et bien dessinés pour le rôle, plutôt qu'un simple acteur grossièrement gonflé et engraissé à la va-vite. Puisque le jeu de l’acteur se résume exclusivement à ses regards, un culturiste aurait très bien pu faire l'affaire.

Le personnage de Catwoman est finalement le plus réussi et les libertés prises sur son costume sont des plus ingénieuses (notamment les lunettes qui se rabattent sur la tête, lui dessinant alors ses fameuses oreilles de chat) et c’est un bel hommage à la tenue de la Catwoman de la série des années 60. De plus, c’est une bonne idée d’avoir développé une Selina Kyle proche des visions adultes de Frank Miller et Ed Brubaker dans les comics. L’interprétation toute en subtilité (et sexy à souhait) d’Anne Hathaway, fait largement oublier celles des précédentes Catwoman au cinéma. Sans parler de ses piques avec Batman, qui sont particulièrement amusantes. Toutefois, c'est bien dommage que l'on entende jamais le nom de "Catwoman" dans le film.

Marion Cottilard, qui interprète ici un personnage à double facette, s’en sort plutôt bien, même si son rôle déçoit un peu à cause de sa sous-exploitation. Elle aurait ainsi pu vivre une véritable histoire d’amour avec Bruce Wayne, au lieu que cela soit simulé, pour mieux le trahir ensuite. Contrairement à beaucoup, je ne vois pas en quoi sa mort est si hilarante que cela. On critique son jeu à ce moment-là, mais en même temps il n’y a pas 36000 façon de jouer un personnage qui meurt brutalement… La seule chose pouvant faire sourire est ce plan maladroit où l’on voit Batman, Catwoman et le commissaire Gordon (alignés et côte à côte) en train de regarder bêtement Talia mourir.

Concernant les seconds rôles, on regrette un peu leur profusion qui fait que le scénario a tendance à partir un peu dans tous les sens. Alors que le personnage de John Blake (Joseph Gordon-Levitt) apporte quelque chose à l’intrigue, les autres (notamment des personnages de flics) ne servent qu’à compliquer davantage un récit qui l'est déjà assez. On aurait aimé avoir un Alfred (Michael Caine) plus présent, qui hélas disparaît pendant une bonne partie du film. Cependant, ses rares apparitions apportent les meilleures scènes émotionnelles du long-métrage, dans un film qui en manque hélas cruellement.

Finissons enfin par Batman. On nous avait promis que le film serait centré sur Bruce Wayne et son alter-ego costumé, il n’en est finalement rien, ou du moins pas grand-chose. Les apparitions de Batman se font souvent attendre et on le voit finalement très peu, laissant la place à un Bruce Wayne plus torturé que jamais, toujours brillamment interprété par Christian Bale. Néanmoins, les rares scènes d’action où il est présent sont toutes réussies. C’est dommage que la question de la révélation de l’identité secrète de Batman soit exposée de façon si ambiguë, car parfois on ne sait plus trop qui sait et qui ne sait pas. Sinon cela semble vraiment improbable de guérir d'une colonne vertébrale brisée, en se faisant suspendre à une simple corde (sans parler des quelques pompes à côté). Le réalisateur nous avait pourtant habitués à plus subtil. Le traitement de Batman aurait pu être bien plus dramatique que cela, en étant entièrement briser par Bane, plutôt qu'à moitié. La chose aurait pu être davantage exploitée... À la fin, voir ce grand héros mourir de façon si facile est également décevant (même si son sacrifice et sa symbolique sont très beaux), il aurait dû périr de la main de Bane ou bien finir dans un fauteuil roulant (pour donner une tout autre dimension dramatique). Mais même pas, sa mort est tellement rapide et expédiée que l’on ne ressent rien, un comble pour un héros auquel on s’était attaché pendant trois films.

Du côté de la technique, la mise en scène est toujours irréprochable, tout comme la photographie. Quant à la musique de Hans Zimmer, elle est toujours aussi efficace et tonitruante (c’est quand même regrettable qu’elle soit autant surutilisée et ne s'arrête jamais, ne nous laissant jamais le temps de reprendre notre souffle). Les rares effets spéciaux sont aussi réussis, en nous offrant un nouveau véhicule volant particulièrement jouissif (même si là aussi, on repassera pour la crédibilité). Concernant la longueur du film, elle ne gêne pas plus que cela, car elle permet d’installer lentement une atmosphère et de poser de bonnes bases pour l'intrigue à venir.

Malgré trop d'incohérences impardonnables à un réalisateur tel que Christopher Nolan, il faut reconnaître que cette conclusion de Batman restera un grand moment de cinéma, mais aussi un blockbuster efficace qui boucle une trilogie mémorable qui fera date dans l'histoire du cinéma, en imposant Batman comme le plus grand super-héros qui soit, prêt à se sacrifier pour le bien commun. En faisant abstraction des maladresses, il n’est pas impossible d’apprécier ce film à sa juste valeur.
Libellool
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le 1 févr. 2014

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