The boring dead
Après les vampires, les morts-vivants donc. Jim Jarmusch continue à revisiter genres et mythes populaires avec sa nonchalance habituelle, mais la magie ne prend plus, soudain elle manque, soudain il...
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le 15 mai 2019
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Ah ! Difficile d’écrire sur le dernier film de Jim Jarmusch, « The Dead Don’t Die ». À vrai dire, il s’agit là d’un long-métrage si laconique et lénifiant que l’on pourrait d’emblée en parler littéralement comme un film-zombie. Car oui, ici, le goule, c’est le film ! Et plus que la simple figure du mort vivant, c’est la fiction que s’approprie le réalisateur de « Ghost Dog ». Avec sa distribution de starlettes et ses références dégénérées, « The Dead Don’t Die » se targue, en effet, d’un modernisme radical, accompagné d’une nonchalance à peine voilée. Nonchalance et apocalypse, en voilà une belle stratégie pour donner vie à une fiction crépusculaire se montrant volontiers amorphe, à l’image de cet ermite, incarné par Tom Waits, narrateur-témoin de l’action, et alter-ego du réalisateur.
« The Dead Don’t Die » est un film pluriel. Aussi banal que méta, Jim Jarmusch orchestre une invasion de zombies sous le joug des références et de l’ambivalence. On peut le dire, « The Dead Don’t Die » déborde de charme : le duo Adam Driver/Bill Murray incarnant l’humanité qui s’éteint dans une perspective tragi-comique, Iggy Pop en zombie caféiné, ou encore Tilda Swinton en véritable personnage de jeu-vidéo psychorigide. Le problème, in fine, se pose là : après le cool, quoi d’autre ? Depuis quelques années, les zombies, initialement venus au cinéma dans un esprit contestataire, sont devenus le produit d’une certaine surconsommation. Et les morts-vivants de « The Dead Don’t Die » ne s’en cachent pas : ils cherchent du wi-fi, du chardonnay, et tout ce qu’ils aimaient consommés lorsqu’ils étaient en vie. Inutile d’aller plus loin pour en venir à George Romero, que Jarmusch déterre en faveur d’un nouvel horizon politique, où l’on parle de crise environnementale, de Donald Trump, de fake-news et d’Amérique profonde.
Il ne va pas sans dire que le film pourri, peu à peu, dans sa propre chaire. Certes, on ne pourra reprocher à Jim Jarmusch d’être hors-sujet, laissant tout de même s’échapper une question : jusqu’où la fiction peut-elle se rapprocher du méta ? La relation qu’entretient « The Dead Don’t Die » avec sa propre intrigue, son message et ses personnages, devient, par moment, quasiment floue, voire confuse. Dans une des deux courtes séquences où nous voyons apparaître RZA, ce dernier nous dit que « Le monde est parfait. Il faut faire attention aux détails ». Une manière bien grossière de souligner le fait que Jarmusch a méticuleusement pensé son film sous une forme proche de l’autocritique. Mais le réalisateur ne laisse jamais tombé le mur de Jericho, et finalement, à l’arrivée, il n’y a guère grand chose à citer, sauf la mélancolie de l’Amérique profonde, et les cendres d’un cinéma roublard renvoyant à une comédie horrifique sommairement intellectualisée. Mais bon, faire du modernisme avec des morts-vivants, et Tom Waits, il faut l’avouer, c’est une initiative sympathique, surtout venant d’un hipster de l’Ohio. Gnark.
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le 15 mai 2019
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