The Deep Blue Sea s'inspire de la pièce de théâtre de Terence Rattigan jouée pour la première fois en 1952 et a déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1955 avec Vivien Leigh (la fameuse Scarlett O'Hara d'Autant en emporte le vent). Ce remake est né d'une idée de la Fondation Rattigan à l'occasion du centenaire de la naissance de l'auteur. Le producteur Sean O'Connor a contacté le réalisateur Terence Davies pour mettre au point cette nouvelle adaptation non pas parce qu'il a le même prénom que l'auteur de la pièce mais parce qu'il a vu une parallèle entre l'œuvre du réalisateur et celle du dramaturge notamment à propos de la position de la femme dans la société britannique d'après-guerre.

On pourrait déplorer un sujet plus vraiment d'actualité dans les pays occidentaux à savoir une femme prenant un amant et allant donc à contrecourant des mœurs de l'époque si on ne pouvait pas facilement transposer un tel sujet dans certains pays musulmans de plus, certaines réflexions demeurent toujours autant d'actualité (le mariage ou la passion ?). Cet acte considéré comme immoral pour l'époque témoigne de notre histoire, pas si lointain que ça au bout du compte. Ce serait vraiment dommage de faire l'impasse sur une réflexion intéressante, des prestations abouties, une belle reconstitution et une réalisation envoutante.

Témoignant de son héritage théâtral, The Deep Blue Sea offre des répliques soignées dont certaines sont particulièrement marquante à l'image de ce court échange entre Hester et son mari William. A la question du mari « Mais, qu'est-ce qui t'arrives Hester ? », la réponse de sa femme est cinglante « L'amour, Bill. Seulement ça .». De plus, les répliques peu nombreuses arrivent toujours à faire passer un maximum d'informations sans jamais sembler redondants. L'héritage d'une autre époque.

Avec un tel support, les acteurs ne peuvent que se sublimer surtout Rachel Weisz offrant une prestation très solide avec un jeu du regard à faire tomber et mieux même, on y croit. On croit à son amour envers le pilote Freddie. Ses sourires, ses regards bifurquant au lointain, ses yeux ébahis, toute la panoplie de la grande actrice est déployée pour faire d'Hester, une femme passionnée et amoureuse. A ses côtés, Tom Hiddleston semble légèrement en deçà si on oubliait la sublime scène finale où il est temps de marquer une rupture dans l'histoire. Pour compléter le trio, Simon Russell Beale dans le rôle, pourtant peu évident et tendant souvent vers la caricature, du mari cocu. Finalement on ne retiendra que de la dignité et un sens de l'honneur aigu pour cet homme que son interprète réussit à retranscrire.

Pour compléter le tout, on adjoint une réalisation allant de pair avec une sublime musique notamment sur la première demi-heure presque sans dialogue marquant le début du déclin avec les réminiscences de la rencontre entre Hester et son amant porté par des plans sans dialogues mais à la puissance émotionnellement chargée notamment sur ce plan où la caméra reste posée devant Tom Hiddleston avec un filtre d'image rendant l'ensemble presque éthérée comme si le film se déroulait au paradis et marquant de ce fait la naissance d'une idylle, ne dit-on pas que le début d'un amour est le premier pas vers le septième ciel – ou vers le premier cercle de l'Enfer ?

Contrebalançant, les phases avec le mari semblent très froides comme si l'émotion était absente. A l'aide de quelques plans minimalistes, le réalisateur est capable de nous faire comprendre la détresse d'Hester alors partagée entre le devoir et l'amour. Rendant même la suite des choses plus fluides et moins brusques, on parle tout de même d'une femme trompant son mari. La force du film est de nous réussir à faire comprendre le pourquoi du geste.

Pour la suite, la réalisation choisit un cadre plus posé, plus enclin à des joutes verbales mais pointant de temps en temps des séquences sublimes et envoutantes.

Le film souffre néanmoins de quelques longueurs malheureusement dues à la tentative du réalisateur de transformer la pièce de théâtre en œuvre capable de sublimer le matériau d'origine. Sans compter sur cette « désactivité » assez agaçante du personnage de Rachel Weisz, on a l'impression qu'elle se contente plus de subir les évènements que de les provoquer.


Conclusion:

The Deep Blue Sea souffre d'un rythme lent et d'un sujet moyennement d'actualité mais offre une telle force émotionnelle provenant de la mise en scène et des performances des acteurs surtout Rachel Weisz.
Marvelll
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le 3 juin 2012

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