Rob Zombie, métalleux de premier ordre, s’est fait connaître dans le monde du cinéma avec The house of 1000 corpses, film d’horreur bien trash et ultra clippesque qui a pu en déboussoler plus d’un (à commencer par les studios qui l’ont produit). Mais devant les réactions plutôt positives de la communauté de fans de genres, il est autorisé à tourner sa (fausse) suite : The Devil’s rejects. Et là, c’est la révélation. Celui qui avait pu se révélé ultra visuel et un poil bordélique dans son premier film fait preuve d’une sobriété qui prend à revers et une certaine habileté dans la direction de ses acteurs et de son histoire, parvenant carrément à renverser nos opinions en plein milieu. Une subversion assez osée, et un style qui s’affermit, c’est tout simplement un des chefs d’œuvres du genre.


Incontestablement, Rob a soigné le script de son nouveau bébé, ce dernier étant d’une simplicité qui le rend très efficace, nous faisant parfaitement comprendre ou veut en venir le réalisateur (en l'occurrence, une certaine confusion sentimentale). Si les enjeux sont posés dès les premières minutes du film dans le bon trash (une maison remplie d’un nombre de corps indéterminé) avec une violence poisseuse et des victimes torturées salement, Rob Zombie initie un processus qui, lentement mais surement, va chambouler nos convictions premières. Tout simplement en montrant déjà cette famille de psychopathe comme vraiment unie, faisant face en groupe à une situation qui enchaîne les péripéties morbides sans halte, tout en étant confronté à la persistance d'un shérif revanchard. Bien normal au vu de leurs activités précédentes, à l’exception que c’est le shérif Wydell qui les poursuit afin de se venger de la mort d’un de ses cousins, venu arrêter la famille seul avec son flingue, probablement pour se prouver quelque chose. Là où le shérif Wydell se révèle de plus en plus agaçant, c’est qu’il s’enferme de plus en plus dans un discours religieux, faisant d’une mission divine la capture des psychopathes et de la vengeance leur purification d’âmes. Rob Zombie nous sort sa version du personnage de Lefty, le texan illuminé de Massacre à la tronçonneuse 2. Ce n’est pas que les sévices qu’il leur inflige soit pires que ceux que la famille infligeait à d’innocentes victimes, mais qu’il les revendique sous l’appellation de justicier de Dieu sans jamais prouver la validité de sa cause ni s’avouer qu’il s’agit d’une vengeance à titre personnel. Il se planque toujours derrière un masque quand ses adversaires, eux, vivent tels qu'ils sont. Ils sont tous monstrueux. Une approche complètement différente avec la famille, présentée comme trash et s’assumant comme telle, agissant impulsivement et de façon toujours inattendue. Un poil satanique sur les bords (la phrase « Je suis le Diable et je suis là pour accomplir son œuvre » dans la bouche d'Otis, empruntée à Charles Watson, homme de main de Charles Manson), la famille évolue dans un univers glauque et totalement déjanté, synthèse moins éparpillée de la maison des 1000 morts.


Même avec leurs tendances chaotiques, le réalisateur parvient, en nous faisant partager leur quotidien, à nous attacher presque inconsciemment à leur cause, ou tout du moins à semer la confusion. Sans cautionner, on ressent. Etranges sentiments contradictoires au vu de l’épisode du motel, où les psychopathes s'amusent avec un groupe de countrie, en faisant au passage quelques démonstrations théologiques qui elles fonctionnent (et sont indéniablement cruelles au moment où elles apparaissent). Ainsi, grâce à de subtils traits de caractères, Rob Zombie dépouille ses psychopathes de toute moralité, mais aussi de mensonges, sans leur ôter leur humanité (ils nous feront rire en de maintes occasions). Cette absence de contradiction dans leur discours, et la totale liberté dont jouit la famille, procurent une impression bizarre, une sensation de liberté dans un récit qui n’avait pas l’air à la base parti pour le créer. C’est ce sentiment qui culmine dans la scène finale où la famille partant pour de nouveaux horizons tombe sur le barrage de police… Et qui s’ouvrira sur un des meilleurs génériques de films de la décennie, parvenant à faire revivre et à prolonger ce sentiment de liberté totale avec une caméra libre, qui suit une route seule en plein désert et qui la quitte dès qu’elle le veut. Rob Zombie emmène son film là où on ne l’attendait pas, et soigne particulièrement sa bande son en y utilisant des musiques triées sur le volet, un talent qui le rapprocherait de Tarantino dans la conception musicale de ses œuvres (la bande originale de The Devil’s Rejects est une merveille). Par des enjeux simples et des acteurs parfaitement maîtrisés (qui n’hésitent pas à se faire raser la tête pour porter les perruques réalistes du film), Les rebuts du Diable est un road movie sanglant et malsain qui au fil de son histoire parvient à renverser ses enjeux primaires et à transcender le ton de son récit pour en faire du jamais vu, et du rarement ressenti. Déjà un classique.

Voracinéphile
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les films avec les meilleurs méchants

Créée

le 11 avr. 2015

Critique lue 432 fois

4 j'aime

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 432 fois

4

D'autres avis sur The Devil's Rejects

The Devil's Rejects
SanFelice
8

L'équipée sauvage

Au bout de trois films, je peux déjà commencer à dire ce que j'apprécie chez Rob Zombie. Et, dans un premier temps, c'est cette description d'une Amérique de paumés, de marginaux. Ici, contrairement...

le 17 avr. 2013

67 j'aime

13

The Devil's Rejects
Dalecooper
10

Un tour de force sanglant, Rock'n Roll et radical

Cette fausse suite, loin du burlesque-cartoon déjanté de La Maison des 1000 Morts, opte pour un réalisme glauque, où les coups portés par des personnages moralement perdus font cette fois vraiment...

le 8 mars 2011

33 j'aime

3

The Devil's Rejects
Zanis
9

Anti-manichéen

De mémoire, ça doit être le meilleur film d'horreur (si je le prends dans son sens large) que j'ai pu voir. L'univers dépeint par Rob Zombie est crade et doté d'une esthétique a fait naître en moi un...

le 8 août 2010

32 j'aime

7

Du même critique

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

99 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36