"C'est drôle comme une personne, juste en vivant, peut en abîmer une autre irrémédiablement."
Cette phrase, prononcée par l'un des personnages secondaires est l'essence même du propos du film.
On peut difficilement concevoir à quel point ce que certains peuvent considérer comme une simple maladresse peut atteindre l'autre dans sa personne.
Les erreurs commises envers ceux que l'on aime sont souvent irrémédiables quand on ne sait pas faire attention à celui que l'on blesse ni montrer (et pas seulement dire) à quel point on est désolé et réparer, soigner les blessures infligées. Que ce soit lui envers elle le père envers son fils, le professeur envers son élève...

"The disappearance of Eleanor Rigby...()" est l'histoire d'un couple en proie au doute, qui traverse un drame et y fait face chacun comme il peut.
Présenté sous une forme de dyptique à Cannes (Her et Him) il a été concentré un un film résumé pour le festival de Deauville.
Cet avis vaut pour les trois films bien entendu.

Cette fresque sur le deuil et le couple doit se voir de préférence dans l'ordre qui suit

1 - Him Plus factuel, il expose les événements du point de vue du père/mari, Conor.
2 - Her présente le point de vue de la mère qui doit faire face à la fois au drame et à l'absence de réaction, de soutien de celui qui partage sa vie. Elle se sent seule et incomprise. Son mari passe à côté de la situation, son père pareil et sa mère (Isabelle Huppert), une musicienne française est plus préoccupée par son verre de vin que par sa fille même si elle l'aime à sa façon. (vilaine caricature quand même !)
3 - Them qui condense et compresse les deux précédents.
Les montages, le traitement de la chronologie et du moment sont différents que l'on ait affaire à elle, lui ou eux. Il montre les différences de perception, réactions, besoins que l'on soit un homme ou une femme. Sans être caricaturale, en réponse l'intériorisation des uns, le fait de ne "pas penser" à la limite du déni, on a le besoin de se libérer, de partager pour exorciser le mal et tuer la douleur. Ces "détails" qui ajoutent en plus de la peine liée à la situation initiale le sentiment d'être incomprise et méprisée dans son malêtre. C'est parfaitement illustré par les conversations entre Conor et son meilleur ami ou Conor et son père.

"Rater l'amour, c'est une question de kilomètres pas de minutes"
Distance symbolique, qui se creuse entre deux êtres qui étaient proches mais qui ne communiquent plus.
Elle se sent trahie, abandonnée, délaissée par l'homme en qui elle a eu confiance. Il n'"assure pas" comme elle en aurait besoin, aussi décide-t-elle de fuir, de partir pour ne pas laisser l'aigreur (en plus du reste) s'installer et détruire complètement la complicité qu'ils avaient quand elle pouvait copter sur lui, qu'il était son ami autant que son amant. Elle a perdu l'ami dont elle se sentait proche et ne veut plus de l'amant. Ils ne partagent plus rien ou pas grand chose et elle ne peut pas se contenter de "ça". La complicité lui manque trop.
That's why she leaves !
Lui : "Donne-moi une seconde !"
Elle : "Je t'ai donné assez de secondes... tu n'en as rien fait."

L'ambition est énorme quand on sait qu'il s'agit d'un premier film. Le format d'abord, le sujet ensuite et le casting enfin. Outre le trio susmentionné, nous avons le bonheur de retrouver Wiliam Hurt ou Viola Davis.
L'aventure débute lors de la rencontre entre un jeune réalisateur et une future star au cours d'un festival.
Il leur aura fallu dix ans pour que ce projet aboutisse et l'actrice en herbe est devenue une star multirécompensée et reconnue dans le monde entier.
Le concept reprend celui déjà utilisé par Richard Burton et Liz Taylor dans "Divorce", un téléfilm des années 80.
De trois heures (Her+Him) on passe à tout jutste deux (Them)
Les chassés croisés sont toujours là mais ont perdu légèrement en intensité ce qu'ils gagnent en clarté.
Le regret que je peux émettre est dû au fait que ce soit un film typiquement américain.
Le puritanisme dont il fait preuve au sujet de la sexualité est navrant par moments.
La soeur, fille mère destinée à une vie pourrie de par son péché originel, le mari qui passe un moment avec une autre pour oublier son malheur après la "disparition" de son épouse et qui se flagelle et ne se pardonne pas son incartade (on doit comprendre que tromper c'est MAL !) et elle qui va succomber dans les bras d'un séduisant inconnu mais qui a la sagesse de se raviser juste avant qu'il ne soit trop tard plantant le pauvre homme le laissant seul avec son désir inassouvi.

L'ensemble est une bonne surprise le casting plus qu'à la hauteur et l'émotion est au rendez-vous. Le film est habité par la sincérité de la démarche et ça, c'est quand même important de le souligner.

Merci à Brisby à qui je dois d'avoir vu ces films.
Rawi
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le 22 nov. 2014

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