Pour les amateurs de sympathiques petites séries B nerveuses, l'arrivée d'un nouveau film signé Ryūhei Kitamura est toujours de très bon augure. On l'a vu avec "Midnight Meat Train", "No One Lives" ou encore "Downrange", le réalisateur japonais exilé aux États-Unis a ce don irrésistible de s'emparer d'un pitch minimaliste pour le dynamiter dans une spirale de violence dont la folie n'a de cesse de s'accroître au fil d'un long-métrage. Avec son point de départ très "diehardesque" se focalisant sur la simple opposition entre une ex-soldat et une bande de malfaiteurs au sein d'un hôtel quasiment vide, on peut légitiment se dire que "The Doorman" a tout pour prendre a priori le même savoureux chemin que ses prédécesseurs et nous régaler d'affrontements qui s'annoncent forcément sanguinaires sous l'œil du cinéaste...


Évidemment, il faut patienter un peu en attendant que les pions se mettent en place, on est donc prêt à accepter quelques passages obligés dans un premier temps.
L'attentat qui conduit au stress post-traumatique de l'héroïne a la naïveté aussi gluante que les bonbons offerts à sa petite protégée, soit, mais il montre au moins que le personnage de Ruby Rose n'est pas là pour rigoler en mode combat à défaut d'être convaincant ailleurs.
Voir la comédienne troquer son treillis, non pas contre le costume de Batwoman (Dieu merci !) mais celui de groom dans une avalanche de dialogues sirupeux sur la nécessité de tourner la page nous fait déjà avoir un petit bâillement, toutefois, c'est un fait, elle est désormais dans la place.
Découvrir les quelques résidents et y ajouter une petite donne sentimentalo-familiale vis-à-vis de notre groom n'a rien de franchement transcendant, cependant, quand les hostilités commenceront, il y aura au moins quelques attaches émotionnelles pour faire monter les enjeux.
Se servir d'une poursuite après un chat dans le but de nous faire découvrir les quelques secrets des lieux a tout d'un prétexte fainéant mais, pas grave, c'est sans doute là la promesse de futurs assauts surprises sur les assaillants...
Ah tiens, d'ailleurs, les voilà qui pointent le bout de leurs nez, on va enfin pouvoir passer aux choses sérieuses ! Bon, Jean Reno passe son temps à répéter le nom de son personnage ("My name is Victor Dubois !") en jouant avec la ferveur d'un vieil oncle prêt à rouler sous la table après un repas arrosé mais la froideur de ses actes et de ses hommes pour arriver à leurs fins est probablement un bon hors-d'oeuvre à la confrontation qui s'amorce.
Certes, cette dernière débute après près de quarante minutes interminables de situations insipides (sur 1h30) mais ça y est, on y est, la fureur du feu d'artifice meurtrier que nous a réservé Ryūhei Kitamura va enfin exploser aux quatre coins de l'écran et nous emporter dans un tourbillon de violence qui nous fera oublier instantanément toute l'inanité de ce qui a précédé ! Oh que ça va être bon !


Sauf que non. Ça n'arrivera jamais. À aucun moment. "The Doorman" n'est pas un pétard mouillé, juste un pétard que personne n'a visiblement voulu allumer.
Même pas Ryūhei Kitamura, qui, hormis quelques fugaces tentatives, ne sera que l'ombre de lui-même pendant 99% du temps que dure ce DTV formellement minable et véritablement terrifiant d'indigence sur tous les autres plans imaginables.
Absolument tous le poncifs les plus fatigués que ce genre d'intrigue est capable de produire seront inclus dans ce "The Doorman" et personne ne cherchera à les bousculer dans leur grotesque accumulation à l'écran pour générer de la tension ou un vague effet de surprise. On en restera vraiment pantois, cherchant parfois à comprendre ce qui a poussé Kitamura à se fourvoyer dans une production aussi rudimentaire, mais nos interrogations ne pourront rien face au spectacle de plus en plus désolant qui nous est offert. Et on arrivera vite à la conclusion qu'il n'y a plus rien à espérer devant l'extraordinaire et exponentielle faculté des personnages à prendre les choix les plus idiots pour faire durer le danger de façon absurde (l'ado est une vraie perle en ce domaine) ou quand ils sont eux-mêmes desservis par une distribution d'acteurs incapables de les faire vivre dans des situations pourtant archi-revisitées.
Peut-être que, si vos attentes sont très basses, vous pourrez engloutir cette série B en conserve faute de mieux mais, nous, on espérait justement qu'elle serait ce "mieux". Vous l'aurez compris, on ne laissera définitivement pas de pourboire à ce "Doorman".

RedArrow
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le 5 oct. 2020

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