The Empty Man
5.9
The Empty Man

Film de David Prior (2020)

Voir le film

Le vide est un long flip tranquille

Projet proprement chaotique, projet maudit, mal vendu, critiqué, sacrifié, racheté puis balancé en VOD à la va-vite par Disney qui, visiblement, n’a pas su par quel bout prendre ce film plus qu’atypique (mais au devenir possiblement culte), The empty man de David Prior a effectivement, au premier abord, tout pour dérouter le spectateur. Un scénario qui, et même inspiré de la série de romans graphiques de Cullen Bunn et Vanessa R. Del Rey, ne semble être qu’un succédané de Candyman, It follows, Midsommar, Ring, Slender man, La prophétie des ombres et consorts ; des acteurs de second plan qui, pourtant, vont se révéler remarquables (en particulier James Badge Dale) ; un rythme qui prend son temps et s’étend sur 2h15 (quasiment un sacrilège de nos jours, en tout cas pour certains gros studios) ; un film qui refuse la facilité jusqu’à son final déconcertant apportant davantage de questions que de réponses.


The empty man, c’est l’histoire d’un démon ancestral "réveillé" par de malheureux touristes américains au fin fond d’une grotte au Bhoutan, puis "actif" de nouveau, des années plus tard, dans le Missouri où un ancien policier enquête sur la disparition de la fille d’une amie. Disparition qui, bien sûr, va l’amener sur les traces de ce démon et de ses adorateurs. L’intrigue, noueuse à souhait, devient de plus en plus obscure au fil d’une succession d’événements dont on cherche à comprendre l’emboîtement et à appréhender le sens (le film mériterait d’être vu une deuxième fois pour en saisir toutes les subtilités). C’est là d’ailleurs que réside le défaut principal du film : cette impression que le récit part dans absolument toutes les directions pour déboucher sur une conclusion en demi-teinte, sans doute parce que plus ou moins attendue.


Possession démoniaque, légende urbaine, croque-mitaine pour ados libidineux, secte nihiliste, cabale mystérieuse, réalité altérée, et même créature lovecraftienne en bonus, The empty man, trop gourmand, paraît vouloir compiler à lui tout seul la plupart des grandes thématiques horrifiques existantes, quitte à s’enliser dans une sorte de mashup tarabiscoté. Et la promesse d’une grande œuvre de terreur amorcée dès la superbe, et flippante, introduction (un court-métrage presque indépendant au reste du film) est trop vite rompue par Prior qui ne parviendra pas toujours (rarement, diront les mauvaises langues) à en retrouver l’exacte intensité, et surtout la radicalité.


Ce qui n’empêche pas The empty man de se situer bien au-dessus du tout-venant des films d’horreur actuels parce qu’anti-spectaculaire au possible, mais n’oubliant pas de livrer quelques scènes impressionnantes (les pendus sous le pont, le meurtre dans le hammam, la cérémonie en pleine forêt…). Parce qu’ambitieux et généreux, et d’une singularité affirmée qui fait du bien. Parce que doté d’une ambiance sonore angoissante concoctée par Brian Williams et le grand Christopher Young. Parce que flirtant avec le trip existentiel (références en embuscade à Nietzsche et à Derrida) qui reprendrait à son compte l’idée de transmission, de passage entre l’esprit et le corps, entre le Bien et le Mal, de destin écrit (programmé plutôt) d’avance, et donc inéluctable. Et parce qu’évidemment, simplement, Prior n’oublie pas l’essentiel : faire peur.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
6
Écrit par

Créée

le 10 mai 2021

Critique lue 2.8K fois

15 j'aime

2 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

15
2

D'autres avis sur The Empty Man

The Empty Man
Baron_Samedi
5

Flutte

The empty man : James Lasombra est un ancien flic. Lorsque la fille de 18 ans de sa voisine disparaît, la police ne souhaitant pas engager de recherches, il se penche sur sa disparition qui va...

le 18 janv. 2021

13 j'aime

1

The Empty Man
Jubileus
7

Loin d'être vide, il y a une âme là dedans.

Adaptation d'une série de comic books (dont j'ignorais l'existence) et premier long-métrage du cinéaste David Prior, The Empty Man est sorti l'année dernière dans l'anonymat le plus total: sacrifié...

le 1 mai 2021

9 j'aime

The Empty Man
Jb_tolsa
4

The empty spot : celui de scénariste

L'introduction bien flippante de "The Empty Man" dans les montagnes himalayennes pose les bases d'un film qui aurait pu être exceptionnel, mais qui manque in fine de maitrise, voire tout simplement...

le 15 déc. 2022

6 j'aime

4

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

177 j'aime

2

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

153 j'aime

13