Mark, Rod, Uncle Kage et leur communauté injustement sous-estimée

The Fandom est un documentaire sur les furries (les fans d'animaux anthropomorphiques c'est-à-dire à apparence plus ou moins mi-animale mi humaine comme le Robin des Bois de Disney). Mais la différence est qu'il n'a pas été fait par un MTV associant maladroitement furries et pratiques sexuelles douteuses, ni par cet honteux et mensonger épisode de CSI qui présente la même communauté comme un culte dangereux.


Non, The Fandom a été par des furries sur les furries et réussit le double exploit de remonter aux origines proches de la communauté et de dissiper certains malentendus quant à certaines accusations de "déviance" ou de "prédation sexuelle". Il montre que le "fandom furry" est un concept se voulant innocent à la base et que même si des imbéciles, des pervers, des fachos et des malhonnêtes ont tenté de détruire ou saboter cette communauté, les furries ont globalement apporté plus de bien, d'amour et de tolérance que de mal au monde.



Une martre des pins à l'origine des furries



Tout commence d'abord avec une évidence : les animaux anthropomorphiques ont longtemps fait partie de la culture depuis l'aube des temps avec les animaux totems, les dieux égyptiens, les vaches sacrées et j'en passe. Même Disney et Osamu Tezuka peuvent être considérés comme précurseurs des furries avec respectivement Robin des Bois et une martre des pins à antenne qu'on voit dans Astro Boy et qui a inspiré la jaquette du documentaire.


On continue avec Mark Merlino et Rod O'Riley, un couple gay pour ainsi dire fondateur du fandom furry, qui avait créé ça à la base en continuité des fandoms geeks et science-fiction. Ce n'est qu'au fur-et-à-mesure (sans mauvais jeu de mots) qu'ils se sont rendus compte qu'ils avaient des camarades aussi fans de furries et qui créaient des contenus originaux et pas juste des cosplays et fanarts de Star Wars et j'en passe.


Donc, ils voulaient juste créér un fandom où les gens pouvaient créer leur art (avec des comic books comme Albedo ou même des parodies comme Equine The Uncivilized ou Red Shetland), se sentir bien ou à l'aise, partager de la culture, et avoir un endroit sûr où être soi-même (d'où la présence de LGBT qui, bien que pas explicitement invités par Mark et Rod comme certains le disent, n'ont jamais dérangés ces derniers). C'était comme ça dans les années 1970-1980.


C'est aussi à cette période que Sam Conway (Uncle Kage) fait son apparition dans le fandom en tant qu'organisateur et chargé des relations publiques dans les conventions. Également docteur, c'est une personne qui a l'art inné de la narration. Quand il se plaint de son boulot, il le fait comme un comédien faisant du stand-up. C'est aussi parce qu'il sait bien organiser et gérer les 1ères conventions furries puis des suivantes qu'il est considéré comme le 3e fondateur du fandom.


Ils voulaient aussi reproduire l'expérience positive des conventions geeks, chose faite positivement ... jusqu'au milieu des années 90 où les choses ont commencé à se corser un peu pour les furries en général.



Sex & Scandal in the Furry Fandom



C'est là qu'on commence à aborder le côté sexe dans le fandom : à la base, Mark, Rod ainsi que Uncle Kage autorisaient un LÉGER laissez-aller de la part des invités de leurs conventions. Étant donné que les conventions geek et même d'anime avaient une part légèrement sexuelle, les 1ères conventions furries avaient aussi leur part en continuité, pouvant être aussi bien considérées comme de la libération sexuelle que de la glauquerie.


Mais comme les fondateurs l'ont si bien dit eux-mêmes, le fandom s'est heurtée à la fois aux débordements de quelques "idiots" et à l'incompréhension voire même à la persécution de médias refusant de réfléchir 2 secondes et ne se concentrant que sur le "torride" et la "perversion" d'une minorité de mauvais furries (quand ils ne font pas carrément dans la diffamation, voir MTV et cet épisode de CSI).


Certaines chaînes venaient harceler Uncle Kage de questions inappropriées, persuadées que tous les furries "font l'amour dans leurs costumes" (en gros, ils confondent fursuits - costume de furry, proche de la mascotte toute simple et innocente - et "murrsuits" plus sexuelle mais bien moins répandue qu'ils ne le pensent, voir mon aparté dessus dans ma critique sur BLFC : A Musical Tail).


C'est pour ça que Mark, Rod et Uncle Kage, avec l'accord des autres organisateurs ont fait une charte de bonne conduite plus tard et remis les médias malhonnêtes sensationnalistes à leur place en en utilisant la logique et le sens commun ;



Les gens nous disaient : "Mais pourquoi vous n'avez pas mis une charte
de bonne conduite dès le début ?"



Et nous répondions : "Parce qu'on ne pensait pas que les gens
pouvaient être aussi idiots".



Certains médias ont fait l'erreur de croire que les furries visaient les enfants parce qu'ils "s'habillent comme des personnages de cartoon" alors que le fandom n'était que pour les adultes à la base avant de devenir plus tout public, ET certains furries pervers ont agi comme s'ils n'étaient pas en public. Deux erreurs qui ont failli saboté et détruire la communauté furry.


Mark et Rod ont laissé tomber l'organisation de conventions furries, laissant tout à Uncle Kage, également à cause d'une autre faction de furries pervers : les "burned furs". Il s'agit de furries offensés par les frasques sexuelles de certains furs, au point de vouloir interdire toute référence sexuelle voire même de rejoindre ou d'être rejoint par des personnes d'extrême-droite. Mark et Rod étant gays, je vous laisse imaginer la déception qu'ils ont ressenti en voyant ces types agressifs qui ne font que créer plus de problèmes.



The Next Furry Generation



Heureusement, le temps efface petit à petit certaines blessures, la réputation des furries a certes souffert mais s'améliore. De nos jours, des personnes comme Bubbles et des fursuiters peuvent créer des conventions, mais aussi soigner un peu leur anxiété et avoir un travail (une fabricante de fursuits a été diagnostiquée bipolaire avant de faire cette activité et n'a plus jamais connu le chômage), déclarer leur sexualité librement (comme SonicFox)


Maintenant, le fandom semble plus toléré et certains artistes deviennent même populaires auprès des non-furries (étant donné que les animaux anthropomorphiques peuvent englober d'autres fandoms du même genre). D'ailleurs, il faut savoir que c'est Foxes & Peppers (deux musiciens furries populaires dès début 2000, le duo Foxe Amoore et Pepper Coyote) qui a fait la bande originale du documentaire.


La nouvelle génération de furry arrive à la fois à être en continuité des vétérans furries (plus fans de SF et de fantastique) en sachant gérer le fandom et les conventions comme le fait Uncle Kage et sans devenir haineux et paranos comme les "burned furs", mais reste légèrement en rupture puisque les "nouveaux furries" arrivent plus facilement à vivre grâce au fandom et héritent petit-à-petit d'une meilleure réputation (exemple : grâce à SonicFox, pro du e-sport).


Au final, The Fandom sert surtout à montrer la reconnaissance des furries envers la communauté elle-même mais aussi les fondateurs qui a dû traverser de terribles défis pour que les fans d'aujourd'hui puissent profiter des plus grands triomphes.


C'est pour quoi, après cette longue description, passons vite fait aux qualités et défauts du film rapidement.



Défauts : "Ok, furry boomer" ou La complainte de Mark, Rod et Uncle Kage



Il faut le dire, même si Mark, Rod, Uncle Kage et autres vétérans ont subi des moments difficiles dans les années 90 surtout et se défendent à raison contre certaines attaques injustifiées, il y a quand même une impression de "c'était mieux avant !"



  • Un fort ressentiment semble s'emparer du 3e quart du documentaire à
    un point que j'ai cru que The Fandom allait se terminer sur une
    note négative.

  • Presque plus de temps consacré à Mark, Rod et Uncle Kage qu'à la
    nouvelle génération de furries qui a pourtant permis de mieux
    démocratiser le fandom.

  • Un documentaire qui semble plus réservé aux initiés qu'aux néophytes (par exemple, certains termes ne vous parlerons pas, et
    les manœuvres diffamatoires de MTV et CSI contre les furries ne
    vous diront presque rien si vous voyez le documentaire sans un
    minimum de connaissances).

  • Mark, Rod et Uncle Kage ont certes la qualité de défendre le fandom
    contre les médias à scandale, mais le film semble silencieux sur
    d'autres. C'est dommage parce que ça aurait aussi permis de lever
    d'autres doutes sur cette communauté pourtant attachée au respect des
    personnes, du consentement et des dignités humaines,
    mais qu'on
    accuse encore à tort par ci-par là de n'être remplie que de
    potentiels violeurs.


Cependant, ça reste un documentaire intéressants qui permet de découvrir ou de redécouvrir certains



Qualités : Les Trésors cachés de l'anthropomorphisme



Toutefois, le film garde un aspect globalement rassurant et positif de ce qu'est le fandom.



  • Grâce au documentaire, on retrouve certaines vieilles références
    quasi oubliées comme les funny animals (pas tout à fait des
    furries, plus proches de Bugs Bunny et compagnie) qu'on ne plus
    retrouver que sur les sites de scantrad comme Read Comic Online
    ou presque : Albedo et Red Shetland ont presque été oubliés
    jusqu'à aujourd'hui par exemple.

  • L'aspect humain est privilégié et on se reconnait dans ces figures qui on subi la haine, le harcèlement ou la misère et on est bien
    contents de voir qu'ils arrivent à s'en sortir
    malgré toutes les
    épreuves du quotidien et du fandom (fabriquer des fursuits peut faire passer du
    chômage à la production de plus de 600 fursuits depuis 2007).

  • La musique de Foxes and Peppers, surtout avec The Last Summer of
    Innocence
    , va à merveille avec le fillm.

  • Quand on voit les conventions géantes pour furries notamment à
    Pittsburgh et partout aux États-Unis et dans le monde, ainsi que les fonds de charité qu'ils ont permis de récolter, et les
    finances positives qu'ils ont donné aux villes hébergeurs (ça plus
    les autres qualités des conventions), ça ne fait que donner encore
    plus envie d'aller à une Anthrocon, une BLFC, une Confurence ou une
    Eurofurence (quand la vague de corona sera terminée, sinon en VR)

  • Enfin, malgré les peines, Mark et Rod continuent de faire des fêtes
    furries chez eux dans leur maison frappée du symbole de la marte des
    pins à antennes
    avec chapeau comme sur la jaquette du DVD. Et les
    furries sont toujours pour répandre plus de joie et de bonne humeur
    et (on l'espère) moins de drames et de rancœurs.


Plus qu'à espérer que The Fandom arrive à convaincre suffisamment de monde et qu'il aura répondu à certains questionnements et doutes. En attendant, la fête continue.

darevenin
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le 16 sept. 2020

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