oct 2012:

J'avais de grandes appréhensions à l'égard de ce film, échaudé par le dernier film de Michael Powell que j'avais vu, datant de cette époque et doté d'à peu près la même distribution, "Red ensign", qui m'avait paru inintéressant au possible. Je craignais donc qu'avec cette immersion dans le milieu des arnaqueurs d'assurance aux incendies me vienne la même envie de me tailler les veines que celle qui m'avait chatouillé le cervelet devant l'histoire de la marine marchande britannique. Oh my god!

Or, à ma grande surprise, il n'en fut rien. Certes, je n'irais pas jusqu'à comparer ce petit film aux grandioses et subjugantes productions des Archers, mais cette réalisation de Powell n'est pas dénuée d'un certain charme, en raison essentiellement d'un rythme plutôt vif, joliment alerte et d'un suspense sacrément maitrisé.

Par bien des aspects, vers la fin, on serait même tenté de songer à certaines productions anglaises d'Hitchcock. Le personnage perfide joué par Francis L. Sullivan par exemple rappelle bien quelques maléfiques trognes mises en image par le maitre du suspense. De même, la façon dont Powell filme la scène d'interrogatoire, par le montage et les prises de vue sur les mines patibulaires des gangsters, ne peut manquer de donner une teinte "thriller" à ces bas-fonds.

Jusque là, le film ressemblait plus à du Powell, avec sa propension à bien décrire le monde dans lequel les personnages évoluent, les délicats écheveaux relationnels qu'ils ont noué entre eux. Tout est charmant de délicatesse et d'humour.

Les femmes sont parfois d'une force et d'une modernité ravissantes. A ce titre, Carol Goodner en offre une illustration puissante, une femme forte et émouvante. Dans le même ordre d'idée, le jeu de Lawrence Anderson est enjoué, inventif et donc d'un modernisme réjouissant que Powell peut s'enorgueillir d'avoir su mettre en valeur, et ce, à plusieurs reprises dans bon nombre de ses comédies tout le long de sa carrière. On ne dira jamais assez combien Michael Powell est un formidable directeur d'acteurs.

Je suis une nouvelle fois un peu circonspect vis à vis de Leslie Banks. Le complexe qu'il nourrit manifestement par rapport à son infirmité faciale due à une paralysie ou une blessure disgracieuse qu'il a hérité du premier conflit mondial, l'oblige à afficher toujours le même profil et donc une raideur un peu trop visible à mon goût. Plus encore, il a été jusqu'à concevoir une ou deux scènes ineptes, notamment celle où il se tourne sur sa gauche pour parler à une femme... qui se trouve sur sa droite. La recherche systématique de camouflage de sa blessure le contraint à être continuellement tourné vers cette "gauche" figée, artifice peu convaincant, ou bien à mettre sa main sur son œil quand il est censé être plongé dans une réflexion profonde. Bref, tout ceci aboutit à une posture très étrange, anti-naturelle au plus haut point qui dérange à la longue. Chose étonnante, l'auto-biographie de Michael Powell ne fait nulle mention de ces contorsions scéniques un poil ridicules, alors que c'est, me semble-t-il, un cas de figure très rare, pour ne pas dire unique.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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