Les anges de la télé-réalité à Disney World

Je commencerai en précisant que j'ai un sérieux a priori face aux enfants mal-éduqués et aux parents irresponsables, immatures et volontairement en marge de la société. Je sais ... je ne fais pas dans le bubble-gum acidulé que l'on veut nous vendre avec ce film.
Tout n'est pas à jeter, loin de là. Par exemple, les couleurs criardes des bâtiments sont à mille lieux de la situation des familles qui y résident. Cela donne un petit côté pop-art (David Lachapelle se régalerait dans des coins pareils) au film que j'apprécie personnellement.
On sent également tout au long du film la présence invisible mais mastodontesque de Disney World. J'ai particulièrement aimé cette scène fugace où l'on entend au loin des feux d'artifice. Là, je me suis dit directement qu'il s'agissait du parc, chose confirmée par la suite lors de la fête d'anniversaire.
Concernant l'histoire ... selon moi, le film est construit en 3 parties.
A la base, il y a un trio d'enfants (Moonee, Scooty et le dernier dont j'ai oublié le nom). Cette partie est clairement insupportable pour moi. Ok, on peut louer l'innocence de l'enfance, etc. Mais je n'avais envie que d'une chose ... c'est de les remettre à leur place et leur expliquer la vie en société, même si celle-ci se résume à la micro-société d'un motel. Dans cette partie, on met surtout le curseur sur la vie des enfants. Et c'est pénible car je n'arrive pas à leur trouver un côté innocent, un côté bon gamin tombé au mauvais endroit au mauvais moment. J'exagère peut-être mais j'ai du mal.
Deuxième partie, les « adultes » entrent en scéne. L'enfant sans nom part et est remplacé par Jancey (trop cool au passage les enfants qui crachent sur une bagnole). Scooty est puni par sa mère après que celle-ci se rende compte que les enfant, pour s'amuser ouais top fun, ont mis le feu à des maisons abandonnées. La punition sera de ne plus côtoyer Moonee. Il sera invariablement coincé dans la chambre du motel. La mère de Scooty, amie de Halley, la mère de Moonee, vous me suivez ?, en profite également pour ne plus côtoyer Halley pour une raison encore inconnue à ce moment du film. Bref, plus on voit, plus on entend les adultes, plus les enfants trinquent et voir leur monde de moins en moins insouciant et libre. J'ai davantage aimé cette partie pour le côté plus sombre.
Dernière partie, on se retrouve avec Moonee et Jancey. Moonee passe de plus en plus de temps avec sa mère (Halley) et le curseur est de plus en plus orienté vers elle. Des éléments du personnage sont développés tout au long du film mais je m'attarderai sur Halley dans ce paragraphe. A l'image des enfants sauvages de la première partie, il est impossible d'avoir de la compassion pour un tel personnage. Irresponsable (c'est les autres qui l'empêche de vivre comme elle veut, la société est trop dure, nia nia, etc.), grossière (je suis loin d'être prude mais il y a une grossièreté que j'associe à de la bêtise pure et dure, au passage ... WTF ce tampon collait sur la vitre, ça apporte quoi?), inconsciente (faire des passes avec sa gamine dans la salle de bains juste à côté, ouah trop dure la vie), bref un personnage imbuvable, insupportable, irritant, laid (de personnalité), sans limite, les mots me manquent pour définir ce que je ressens pour ce personnage. J'espère sincèrement que c'est voulu de la part du réalisateur sinon je lui conseillerai de voir la réalité du terrain.
A nouveau dans cette partie, on sent que les adultes reprennent le pas sur les enfants et là clairement le monde des enfants s'effondre jusqu'à la fin ... que je déteste absolument. Pour moi, le supplice aurait dû se terminer avec le visage de Moonee en pleurs sur le pas de la porte de Jancey. Non, le réalisateur choisit de nous faire vivre la course effrénée des enfants vers Disney World en version accélérée. Vitesse d'image qui vient bousculer le rythme assez lent du film. Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Et puis, faudra m'expliquer comment elles sont entrées dans le parc. Mais là c'est mon côté logique qui prend le dessus, je laisse le bénéfice du doute sur la volonté du réalisateur de nous faire comprendre que les enfants s'échappent dans un monde merveilleux. Mouais mais non.
J'ai oublié de citer la scène avec le « pédophile » qui se fait rembarrer par William Dafoe. 2 minutes pour choisir un soda et essayer de le boire. Ce fut les plus longues minutes de ma vie de cinéphile ... et pourtant j'ai vu Cosmopolis de Cronenberg.
Pour terminer, un petit mot sur la prestation de William Dafoe. Très bonne prestation de sa part, passer des rôles de salopard à un rôle de gérant de motel plutôt humaniste et débonnaire, chapeau. Pour le rôle en lui-même, soit il est blasé par tout ce qu'il voit, soit il est amorphe, soit il ne veut pas d'emmerdes et cherche juste à palper les loyers. Un peu de tout sûrement ... et comment ne pas être blasé par toutes ces tribus ?
Je terminerai quand même en soulignant le très bon travail d'acteur des enfants et même de la mère irresponsable. Ils sont tellement bien rentrés dans leurs rôles qu'on en vient à réellement ne pas les aimer. Si tel est le but, bravo.

Toine1985
6
Écrit par

Créée

le 21 janv. 2018

Critique lue 235 fois

Toine1985

Écrit par

Critique lue 235 fois

D'autres avis sur The Florida Project

The Florida Project
Seemleo
9

Unplugged

J'aime ce cinéma unplugged, fiction quasi documentaire. The Florida Project colle à la vie quotidienne d'une maman et sa fille. La caméra est à la hauteur des 1m20 de la gamine et la suit dans les...

le 1 févr. 2019

49 j'aime

15

The Florida Project
AnneSchneider
7

Chute libre en rose et mauve

Chromatiquement, on est loin du noir et blanc des « Bas-Fonds » (1957), de Kurosawa. Chromatiquement seulement. Sean Baker a beau placer son intrigue dans un motel tout mauve, dans des pièces aux...

le 21 nov. 2017

41 j'aime

19

The Florida Project
Cinématogrill
5

Question ouverte au réalisateur : où est le scénario ?

Sean Baker est à la limite de l’artiste contemporain et du cinéaste. Ultra engagé, il s’est fait connaitre après le micro exploit de réaliser en 2015 Tangerine, entièrement tourné avec trois...

le 19 déc. 2017

37 j'aime

5

Du même critique

La Forme de l'eau
Toine1985
9

L'eau est amour (spoilers)

Qui sont les monstres dans ce film ? Une créature délogée sans ménagement de son Amazonie natale par un être humain des plus monstrueux ? Une jeune muette surnommée « la débile »...

le 11 févr. 2018

2 j'aime

Moi, Tonya
Toine1985
9

'Merica (avec quelques spoilers)

Ne m'étant pas jamais intéressé au patinage artistique, sauf quand j'ai pu admirer les photos de Katarina Witt dans Playboy, je me demandais pourquoi le nom de Tonya Harding me disait quand même...

le 25 févr. 2018

1 j'aime

Pentagon Papers
Toine1985
8

La course au scoop

Contrairement à d'autres films nous permettant de revivre de grands événements historiques, nous sommes dans une vision réelle dudit événement. Il y a des moments héroïquement romancés, nécessaires...

le 27 janv. 2018

1 j'aime