Il serait profondément naïf de penser que The Florida Project ne dispose pas de point de vue ni, par conséquent, de parti pris. Poser sa caméra, cadrer, diriger ses acteurs, monter les images, tout cela signifie prise de position. Le problème central qu’une impression de neutralité renvoie est alors à chercher du côté de la démarche d’une œuvre occupée, pendant plus d’une heure, à s’étirer comme de la guimauve aride pour mieux, dans les quinze minutes restantes, détruire la routine instaurée et nous hurler au visage « tu as vu comme le monde est cruel comme c’était pas si mal avant comme tout se vaut finalement ?! » Puis la fuite dans le château doublement trompeur puisqu’il appauvrit une région tout entière et jette des paillettes aux yeux des plus jeunes. The Florida Project souffre de deux écueils assez pénibles : d’une part sa longueur excessive – le film aurait gagné à être un court ou moyen métrage – qui évacue, au cours d’un segment médian, la puissance du geste, amoindrit la vitalité de l’ensemble ; d’autre part la prétention de rapporter le réel sans artifices de mise en scène, ce qui donne l’impression que l’œuvre oscille entre la rêverie mal assumée à la Terrence Malick et le néo-réalisme doublé d’une chronique sociale assez maladroite par instants – cf. cette scène au restaurant et son concours de rots ou le gros plan sur une petite fille en larmes. La bonne idée est de renverser le château de Disney pour en faire un motel, envers d’un Grand Budapest Hotel avec ses chambres attitrées et leurs occupants spécifiques ; Willem Dafoe incarne le père de substitution de cette vaste famille d’errants pour un temps figés dans le formol de la chambre à 35$ la journée. The Florida Project pèche par ses excès, aurait trouvé dans la réduction de ses effets et de sa durée une puissance immersive et tonale – le film mêle étroitement les registres – dont il serait sorti grandi.

Créée

le 23 déc. 2018

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