Message à David Fincher (spoilers)

David, David, David.
Qu'est ce que t'avais fumé ?
Non, je demande parce que là... y'a matière à s’inquiéter...
Tu vois, moi, à la base, je connaissais rien de toi.
Je t'avais découvert avec Se7en, et quand j'ai vu ce film, je me suis dis : "Ouah, ce mec est un bon."
Partant de là, j'ai été voir Fight Club, et je me suis dis "Ouah, ce gars, c'est vraiment un grand !"
Et après j'ai vu Alien 3, et Panic Room, et là j'ai pensé "Ouais, ça va, encore".
Et puis ça a été le tour de Millenium, Benjamin Button, Social Network... Et globalement, tu ne m'as jamais déçu. Un peu déconcerté par moments, certes, mais jamais déçu.


Et là dessus, je découvre qu'il y avait encore un film que je n'avais jamais vu de toi.
The Game.
Du coup, comme j'ai vu tous tes autres films, je me devais bien de voir celui-ci.
En plus, je suis parti sans aucun à priori, j'avais rien lu concernant ce film à part son pitch et son réalisateur, toi.
Donc, j’étais plutôt confiant, je m'attendais à un truc bien.
Et c'est ce que j'ai eu, pendant 1h50 de film. Puis vint la Dizaine de la honte.
Mais avant ça, tout marchait parfaitement bien.
On avait un homme d'affaires riche, solitaire, égoïste et aigri qui, du jour au lendemain, se retrouvait plongé dans une tourmente infernale, une immense chasse sociale où il était le renard traqué par des chiens avides, une traque orchestrée dans l'ombre par une mystérieuse organisation tentaculaire, omnisciente, omnipotente, et bien décidée à détruire la vie de notre héros, le tout baignant dans une ambiance quasi-fantastique, y'avait de la tension, du suspense, et chaque nouvelle scène apportait son lot d'horreurs supplémentaires pour notre héros.
Le genre d'histoire parfaite pour toi, qui adore parler des travers de la société, de la perversion des individus; et ta mise en scène restait comme toujours exemplaire. Bon, y'avait juste la critique des riches qui manquait de profondeur et de subtilité, mais sinon, c'était nickel.
Bref, 1h50 où tout allait bien dans le meilleur des monde.
Puis vint la Dizaine de la honte.
Et tu dois te demander pourquoi depuis le début, j'appelle les 10 dernières minutes de ton film une honte.
Et bien c'est parce que c'est exactement ce qu'elles sont : honteuses !
Pas simplement honteuses pour un réalisateur de ton calibre, mais honteuses pour n'importe quel individu qui saurait tenir une camera !
Moi, la première fois que j'ai vu le film, j'en revenais pas de mes yeux.
J'ai vu ça, ça m'a choqué, le film s'est terminé mais... Les images étaient encore gravées dans mon cerveau, longtemps après.
Avec le temps, je m'étais dis que ces 10 dernières minutes n'étaient que le fruit de mon imagination, que j'avais dû manger un truc pas frais, et j'avais dû avoir une hallucination.
Je n'avais pas revu ce film depuis 2 ans, puis je me suis dis que j'allais retenter l’expérience pour voir.
Et pour mon plus grand malheur, le cauchemar était bien réel.


Comment as-tu pu, David ?
Tout était parfait, tout marchait comme sur des roulettes, ce film n’était peut-être pas ton meilleur, mais il était clairement très bon.
Alors comment as-tu pu nous sortir ce twist-happy ending à la con ?
je veux dire, rien n'est cohérent dans cette fin !
Je récapitule : Une organisation est donc chargée de mettre en scène un véritable calvaire pour son "client" pour son anniversaire (tu parles d'un cadeau), lui faisant croire que du jour au lendemain, il n'a plus ni argent, ni famille, ni même d'identité, lui font croire qu'il risque de crever en lui tirant dessus à balles réelles et en l'enfermant dans une voiture jetée à l'eau; ils vont même jusqu'à le délocaliser au Mexique. Ainsi notre héros s'en retrouve bien entendu traumatisé psychologiquement, mais eh oh, 'faut bien qu'il soit moins grincheux, non ? A part ça, notre héros aura "juste" des envies de meurtre, et lorsqu'arrivera le premier twist (la porte qui s'ouvre avec des gens lui souhaitant bon anniversaire), il ne fera "que" se suicider en sautant du haut du toit, mais heureusement le second twist (il atterrit sur un matelas gonflable géant, même la "mort" de son frère était une mise en scène) lui démontrera que ""surprise"", tout n’était que mise en scène et trucages (donc les mecs avaient même prévu sa chute du toit... What ?). Et plutôt que d'avoir une réaction à peu près humaine, c'est à dire gueuler à la mort que ce sont tous des malades mentaux et leur coller un procès au cul, il s'en va, satisfait de son horrible périple, et propose un café à la responsable de tout ce bordel pour montrer qu'il est devenu plus gentil après avoir vécu l'enfer.


David. David. David.
Non, David.
Un twist-ending, ça ne marche pas comme ça.
Un twist, ça doit être cohérent avec tout le reste du scénario. Hors, içi, la fin vient nous démontrer que tout ce qu'on a vu dans le film était une farce, hors, non seulement ça réduit considérablement tout l'impact des événements du film, mais c'est complètement incohérent avec le reste.
Tu pourras me rétorquer que l'aspect exagéré est voulu comme tel, pour montrer que faire évoluer les personnes et les faire changer d'attitude - c’était d'ailleurs le but initial de cette organisation, aider Nicholas à changer de comportement -, il faut employer les grands moyens, arguer que c'est une critique de la société qui devient de plus en plus agressive vis-à-vis de ceux qui ne rentrent pas dans le moule, et est donc poussée à des extrémités comme les mettre en danger de mort ou leur faire subir des traumatismes.
Mais même en disant ça, ça ne colle pas. Tout le film nous est vendu comme tout de même assez réaliste, hors la fin est totalement tirée par les cheveux, sans connexion avec le monde réel.
Non, non, non et non, David, ça ne marche pas comme ça une fin.


Je sais vraiment pas ce qui t'a pris, David, j'aimerais comprendre, je veux te comprendre.
Tu avais tout pour faire un bon film, et tu gâche tout avec une fin bâclée.
A la limite, tu aurais pu te tirer une décharge de chevrotine dans le genou, ça aurait eu le même effet.
Définitivement non, David, tu as foiré ton coup (en imaginant que tu l'aies fait exprès, ce qui est effrayant).
La seule chose qui me console, c'est que tu as su évoluer malgré tout, et pondre à nouveau de bons films. Et en plus, tu as eu la bonne idée de laisser tomber les twist-endings, très bonne idée.


Bref, dommage David, ce film restera une tache dans ton illustre carrière.
Une tache infime, certes, mais une tache quand même.

Arkeniax
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le 20 mai 2016

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