C’est un virage inattendu que fit prendre en 2008 le triomphe du Taken de Pierre Morel à la carrière de Liam Neeson acteur dramatique irlandais respecté incarnant les figures d’autorité de La liste de Schindler à Star Wars sous la direction d’immenses réalisateurs (Spielberg , Scorsese, Nolan) qui se vit propulsé à l’âge de 56 ans dans l’emploi de héros d’action d’âge mur à la manière d’un Charles Bronson. Cette seconde carrière est parfois ponctuée de solides série B old-school quand il collabore avec des metteurs en scène talentueux comme l’espagnol Jaume Collet-Serra (Sans Identité, Non Stop, Night Run, The Passenger) ou Joe Carnahan (Le territoire des loups) là où les suites du succès de Pierre Morel se sont révélées être de vraies purges. Si on veut situer son nouvel opus The Good Criminal sur cette échelle de valeurs nous dirions qu’il tombe entre les deux, pas honteux mais pas extraordinaire non plus.


Neeson incarne ici un voleur d’élite qui défie depuis une décennie les autorités perçant des coffres sans jamais laisser de traces. Jusqu’à ce qu’il rencontre Annie (Kate Walsh) une jeune femme qui lui donne envie de se ranger. Il propose un arrangement au FBI : la restitution des sommes volées contre une courte peine dans un établissement à la sécurité minimale. Les agents qu’il contacte, deux vétérans, Meyers (Robert Patrick) et Sam Baker ( Jeffrey Donovan) confient l’enquête à un duo de débutants Hall (Anthony Ramos) et Nivens (Jai Courtney). Ce dernier décide de s’emparer du butin, tue Hall et accuse Tom du meurtre. Traquée, sa nouvelle compagne en danger, on se doute avec Liam Neeson que la vengeance n’est jamais loin. Comme souvent le thriller d’innocent en fuite à la manière de La mort aux trousses ou de Cinquième Colonne d’Hitchcock sert de patron à ce The Good Criminal dont l’histoire d’amour permet également à Neeson de monter brièvement un coté plus sentimental avec lequel il est relativement à l’aise. L’acteur américano-irlandais est comme souvent le principal atout de ses films, en dépit de leur caractère alimentaire il ne « téléphone » jamais sa performance et, sans risquer une nomination impromptue à l’Oscar du meilleur acteur, apporte assez d’humanité à son personnage qui ne se résume pas à un vengeur brutal. Ce Good Criminal qui veut se ranger d’un business lucratif mais immoral est une bonne métaphore du comédien qui, si il annonce vouloir quitter le genre s’y voit toujours ramené par les cachets que lui font miroiter les producteurs. Toutefois on se demande ce qui a pu, en dehors de considérations financières, l’attirer dans ce projet. Il est entouré comme d’habitude de seconds rôles incarnés par des figures familières aux spectateurs mais on sent qu’on tape ici dans une gamme inférieure : là ou il partageait la vedette avec une Julianne Moore , une Vera Farmiga ou un Patrick Wilson ce sont ici des vedettes de télévision qui lui donnent la réplique, Kate Walsh (Grey’s Anatomy, Umbrella Academy) ou Jeffrey Donovan (Burn Notice). Dans le rôle de l’antagoniste principal on retrouve l’Australien Jay Courtney qu’Hollywood a tenté d’imposer en vain comme leading-man après un rôle remarqué de tueur dans Jack Reacher au rang de vedette, carrière de vedette tuée dans l’œuf par une série de flops retentissants assortis de mauvais films (Terminator Genisys, Die Hard: Belle journée pour mourir). Courtney n’est pas un mauvais comédien dans de petits rôles mais il n’apporte pas de plus value à un bad-guy trop caricatural.


La présence de comédiens de télévision n’est pas seule en cause, Walsh et Donovan sont plutôt bons, dans l’aspect « série C » du film. Rien n’est déshonorant dans The Good Criminal qui reste une intrigue policière classique tout à fait plaisante mais qui ne parvient pas à dépasser le niveau d’une bonne série télévisée. Ici malgré l’implication de technicien comme le directeur de la photographie Shelly Johnson (Wolfman, Captain America: First Avenger) la patine visuelle du film est plate. La mise en scène de Mark Williams dont c’est le deuxième film (son premier Last Call est un drame avec Gerard Butler écrit par Bill Dubuque le créateur de la fantastique série Ozark dont Williams est un des producteurs) est fonctionnelle, si il est plutôt à l’aise dans la direction d’acteurs il peine à donner le moindre dynamisme aux quelques séquences d’action du film, qui décevront les amateurs, en particulier les combats au corps à corps. Le montage pourtant signé du monteur de Creed et Black Panther Michael P. Shawver ne parvient pas non plus à créer un suspense assez intense. Sans doute le budget du film qu’on imagine modeste est responsable de ce manque de vitalité, la seule explosion du film est un CGI fauché qui dans la tradition de la série B d’action est à nos yeux un sacrilège. En conclusion, si il se regarde sans déplaisir vous ne trouverez rien de plus dans The Good Criminal que vous ne pourriez trouver sur une chaine du câble ou un service SVOD. Il est peut-être temps pour Liam Neeson comme son personnage de se retirer sur ce dernier coup.

PatriceSteibel
5
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le 5 nov. 2020

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PatriceSteibel

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