The Grand Budapest Hotel est une nouvelle étape dans la filmographie de Wes Anderson, un premier film européen pour ce réalisateur qui passe désormais beaucoup de temps entre Londres et Paris. Un film qui devrait continuer à étendre un peu plus le public du cinéaste, sans pour autant déplaire à ses adeptes de la première heure. On retrouve en effet dans The Grand Budapest Hotel toutes les composantes majeures du cinéma de Wes Anderson, à savoir sa loufoquerie, son univers ultra-coloré, sa mise en scène « artisanale », ses galeries de personnages barrés, et sa bonne dose d’humour qui n’oublie cependant pas une certaine gravité. Pour autant, il faut reconnaître que cette dernière composante plus sombre se veut plus masquée dans The Grand Budapest Hotel. Pourtant elle est bien là, en arrière plan, le film déroulant son action dans les heures tourmentées de l’Europe des années 1930. Et Wes Anderson citant comme principale source d’inspiration les œuvres de Zweig, on peut penser que ce cadre historique représente pour lui une composante importante du film. Mais le réalisateur, fidèle à lui-même, n’aborde pas directement cette réalité historique, puisqu’il choisit de situer son film dans un monde en partie imaginaire. Wes Anderson réinventer un univers en s’inspirant de la réalité, et lui donne une teinte proche de la bande-dessinée dans sa mise en scène. Par sa palette de couleurs prononcées, par ses décors presque irréels, par ses personnages parfois caricaturaux affublés de costumes tenant presque du déguisement. Et surtout par ses cadres, toujours extrêmement travaillés, notamment dans leurs arrières plans qui fourmillent d’idées. La multiplicité et la diversité des plans (à se demander d’ailleurs s’il y a ne serait-ce que deux prises de vue identiques dans le film) se rapprochent également de la structure en vignettes de la bande-dessinée. Le choix du format 1.37, qui par ailleurs convient très bien à l’époque du film, augmente encore cette impression.


Le scénario lui-même, racontant les tribulations d’un concierge et d’un groom poursuivis par les héritiers d’une richissime cliente du Grand Budapest Hotel, en quête d’un tableau de grande valeur, n’est pas non plus sans rappeler celui d'une bande dessinée. Cette histoire rocambolesque, pleine d’humour, offre son quota de bons moments et devrait ravir un public assez large. On pourra regretter une émotion un peu trop contenue, mais ce défaut est rattrapé par la très grande sympathie de l’ensemble qui, contrairement à ce que j’ai pu lire ça et là, ne souffre pas de gros temps morts à mon goût. Et puis il y a bien évidemment cette déferlante de personnages truculents campés par un casting de rêve. Dans les rôles principaux, deux nouveaux venus dans la galaxie andersonnienne. D’abord le british Ralph Fiennes, pour qui le rôle a été écrit et qui ne fait que le magnifier par sa grandeur et sa verve. Ensuite le tout jeune Tony Revolori qui ne se laisse pas écraser par le précédent et s’impose comme un élève/compère assez jouissif. Pour les seconds, voire troisièmes, rôles, je vous renvoie vers l’hallucinante affiche, et prendrai juste le soin de sortir du lot Willem Dafoe, excellent en tueur totalement barré, et Jeff Goldblum qu’on pensait avoir définitivement perdu de vue. Mais je me rends déjà compte qu’ils mériteraient tous d’être cités.


The Grand Budapest Hotel prouve une fois de plus l’immense talent de Wes Anderson, cinéaste phare de ce début de XXIe siècle.

Squizzz
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le 11 nov. 2018

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