Après avoir rendu les griffes au terme d’un Logan poussiéreux et tragique l’été dernier, Hugh Jackman revient à un cinéma plus coloré, mais pas moins surprenant que la réalisation de James Mangold. Toujours animé par la même passion de la scène, l’acteur retrouve cette fois-ci non pas un héros, mais des thèmes qui lui sont familiers : le spectacle et l’illusion, au cœur même du Prestige de Christopher Nolan. Plus rayonnant que jamais, l’Australien confirme avec The Greatest Showman qu’il est une incroyable « bête de scène ».


Michael Gracey affiche les ambitions de sa réalisation dès la scène d’ouverture, musicale et incroyablement entraînante. Hugh Jackman, habité, semble dès les premiers instants prendre un plaisir immense dans le rôle de P. T. Barnum et cette scène, prise entre rêves et réalité permet d’entrevoir l’extraordinaire insatiabilité du personnage ; ici le fond épouse la forme et The Greatest Showman se révèle être la fuite en avant effrénée de Barnum à la poursuite de ses rêves, au rythme d’une bande-originale d’une rare qualité. La mise en scène, irréprochable et ambitieuse, accompagne à merveille la performance de l’acteur redevenu ici chanteur pour un instant, mais bien plus convaincant que dans l’adaptation des Misérables par Tom Hooper. Saluons également le retour à la chanson de Zac Efron, qui signe sans doute l’un de ses plus beaux rôles et dont le numéro de voltige avec la chanteuse Zendaya nous a laissé sans voix.


De fait, The Greatest Showman marque très rapidement son souhait de renouer avec la tradition d’un cinéma-spectacle dont l’enjeu rejoint les mots de Barnum lui-même : « L’art le plus noble est de rendre heureux. » Alors que l’on redécouvrait la magie et la force de la comédie musicale l’an passé avec La La Land, The Greatest Showman confirme une nouvelle fois que le genre n’est pas désuet ; la bande-originale, peut-être plus électrisante et moderne que celle de Damien Chazelle, prolonge indéniablement l’expérience de la réalisation et parvient, elle aussi, à glisser cette petite mélodie euphorique dans la tête du spectateur. Chaque morceau, chaque numéro, chaque pas de danse est une réussite et une invitation à l’enchantement ; les scènes sur les toits d’un New-York balbutiant émerveillent par leur légèreté et leur poésie, magnifiées par un jeu de lumières parfaitement maîtrisé.


On passera facilement sur les rares scories de l’œuvre de Michael Gracey, qu’il s’agisse d’effets visuels un peu cheap ou de facilités d’écriture un peu maladroites, tant l’ensemble respire la sincérité et la joie. Le propos du film, profondément humaniste, ramène Hugh Jackman à Victor Hugo ; comment ne pas retrouver L’homme qui rit dans l’histoire de ce parvenu toujours ramené à sa condition première, accompagné par les marginaux de sa troupe ? Une comparaison d’autant plus aisée lorsque l’on découvre l’incroyable troupe de P. T. Barnum dans les couloirs de Buckingham Palace, puis aux portes d’un toast des plus mondains. Gwynplaine se fait cependant ici éminemment pluriel et son rire se mue finalement en un sourire de bonheur sur le visage de ceux qui assistent aux spectacles de Barnum et de Gracey ; point de vindicte pourtant chez ce dernier, mais uniquement le désir de rattacher son cinéma avec celui des origines, entre spectacle et émerveillement.


Véritable ode à la différence, The Greatest Showman récrit également le classique Freak Show pour en faire un conte moderne de tolérance et d’amitié. La réalisation de Michael Gracey cherche inlassablement à fédérer, que ce soit autour de l’altérité, de la condition sociale ou encore de l’art, l’occasion ici pour le cinéaste de nous gratifier d’un pamphlet contre la critique acerbe et injuste. C’est aussi l’occasion pour lui de revisiter le mythe du self-made man, le rappelant à sa vulnérabilité lorsqu’il porte ses ambitions trop loin des siens ; ici encore le film cherche à mettre en valeur des liens sociaux détachés de toute valeur monétaire et s’élève contre la recherche du seul profit.


Prônant l’égalité, invitant son spectateur à poursuivre ses rêves et à se déprendre de sa seule condition sociale, The Greatest Showman s’impose comme le feel-good movie de ce début d’année. La candeur de la réalisation de Michael Gracey se révèle tout à fait touchante et il nous semble nécessaire de saluer ce joli moment de cinéma au cœur d’un hiver quelque peu austère, dès lors que l’on referme cette parenthèse de féérie. Au cœur de cette merveilleuse comédie musicale, Hugh Jackman nous invite à rêver et à renouer avec un cinéma des plus oniriques.


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vincentbornert
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le 18 janv. 2018

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