Et la plus aberrante supercherie voit son blason se redorer, lorsqu’en 2018 elle ne perd pas une ride et perdure en efficacité… The Greatest Showman n’est pas seulement un long métrage tape à l’œil qui semble par tous les moyens repousser le concept de « développement », c’est aussi (et surtout) un mensonge flagrant à l’histoire qui lui a donné vie, mais qui pourtant continue de le nier en bloc comme un enfant qu’on a prit la main dans le sac. Une jolie coquille scintillante, aussi vide que dévastatrice.
The Greatest Showman est d’avantage un récit basé sur un personnage bien réel qu’un véritable biopic de ce dernier. Michael Gracey choisi de faire de son film un vecteur de l’émerveillement suscité au public par les spectacles et autres cirques à la Barnum, et pour cela d’immerger ses spectateurs dans leur ambiance frénétique en jouant la carte de la comédie musicale. Toute adaptation d’une vie réelle ne peut se priver de prendre certaines distances et d’en romancer quelques peu les traits. En revanche, il s’agit de P.T. Barnum, escroc, menteur, capitaliste et surtout opportuniste, qui sait mieux que quiconque comment tirer profit du pire pour remplir son porte monnaie. Atterrant, tel devrait être le sentiment qui devrait passer dans la tête et le cœur de tous au vue de ce joyeux Barnum, tout clinquant et altruiste qu’il est, sur sa piste de danse entourée de « sa famille » (ou bien ses « curiosités »), à chanter gaiment en prétendant clamer un plaidoyer pour la tolérance et l’acceptation, en semant ça et là quelques graines du véritable Barnum au goûts d’égoïsme, d’exploitation et de cruauté. Car non, le film en souhaite pas écrire une nouvelle histoire à PT Barnum, pour effacer ses atrocités, mais souhaite « seulement » mettre l’accent sur ce qu’il a agencé, au travers des yeux du public. C’en est presque même pire…
Le film se veut en faveur de la différence, de l’acceptation de l’autre, de l’étrange, mais à aucun moment ne montre son positionnement en cette faveur, bien au contraire. Les personnes engagées dans le cirque, les « curiosités », les Freaks (autant le dire puisqu’il s’agissait bien de cela, malgré ce que veut le film) ne montrent jamais qu’elles sont bien plus que leur appellation diffamatoire. Barnum répète qu’ils sont sa famille, sans jamais (ou presque) les appeler par leur véritable nom ni lier aucun rapport un tant soit peu développé avec aucun d’entre eux, il ne les défend jamais véritablement aux yeux des manifestants. Barnum est présenté comme un défenseur de la tolérance, doté d’un coté plus sombre, plus égoïste, mais si peu exploité qu’il lui retire tout potentiel véritable en tant que personnage. En choisissant de se concentrer sur la « splendeur » des spectacles Barnum, le film se voit coincé dans un entonnoir et ne peut donc pas vraiment traiter le prix à payer pour faire tinter les caisses et faire frémir le public, autrement dit les preuves concrètes de la plus grande cruauté humaine et de son immoralité effrayante : l’exhibition d’êtres humains. Et si le film se tire d’ores et déjà une balle dans le pied avec un scénario aussi fallacieux que cousu de fil blanc, les figures qui le font vivre n’en sont pas moins affligeantes.
En premier lieu, la troupe engagée par Barnum se constitue d’une quinzaine de personnes, toutes présentées selon des caractéristiques différentes. Chose intéressante mais très vite décevante puisque seulement trois d’entres elles sont traitées (enfin plus ou moins). Cette troupe se veut soudée, une véritable famille où tous échappent à tout jugement pour se retrouver, mais aucune véritable relation ne les lie les uns aux autres. Concernant Philip Carlyle, lui aussi a à peu près autant de profondeur qu’une feuille de papier cuisson. Terne, plat, sans relief ni envergure, le personnage dispose d’un bon potentiel mais il lui suffit d’ouvrir la bouche pour faire s’effondrer toutes ces belles promesses. Et à Phillip s’ajoute la trapéziste Anne Wheeler. Son personnage n’est quasiment d’aucune utilité, hormis peut être la scène dans le théâtre. Concernant la famille Barnum, Charity déborde de la niaiserie la plus affligeante, sans aucune personnalité ni le moindre caractère, elle suit son mari comme un petit chien. Enfin, le film est avant tout musical, et s’applique à en utiliser tous les « avantages » possibles.
Les chansons sont présentes pour renforcer l’aspect festif, dépaysant du cirque, néanmoins ces compositions ne servent que très peu le récit. Si les chansons chargées d’innocence et de rêveries presque forcées entonnées par le petit Barnum peuvent retranscrire une idée subtile de ce qu’était l’enfance de ce garçon et du gouffre qui l’en sépare une fois adulte, la suite des notes grincent sensiblement aux oreilles tant par leur fond que leur forme. Les chansons n’apportent absolument rien au récit hormis former la preuve concrète qu’après tout on peut se priver de développement puisque les personnages chantent les problèmes et les résolvent entre deux notes en moins de deux. Grossière erreur. Malgré ce pied qui tend à succomber tend les balles s’y succèdent, le film s’en tire une dernière avec cet énorme anachronisme. Le contraste pourrait être intéressant s’il avait été plus subtile et les chansons incorporées de façon plus fluide, plus homogène au récit.
Pour conclure, abordons l’aspect visuel, qui lui compte certains défauts qui malgré tout peuvent se justifier. Le trop est donc à l’honneur et ne gêne pas. Les décors sur fonds verts sont plus ou moins plaisants mais se justifient par le coté faux et illusoire caractéristique du cirque, les lumières et les ambiances crées fonctionnent très bien, ainsi que les cadrages et la mise en scène réussie.
The Greatest Showman se vend comme un spectacle, ce qu’il est en partie, mais défend ses choix au mépris de toute vérité historique inébranlable. Un pseudo biopic chantant qui se pavane dans de grands discours altruistes dont on ne voit pas le bout du nez et qui se passe de toute forme de développement au prix de chansonnettes sans éclats. Le tout handicapé d’un trop gros nombre d’enjeux différents, qui se perdent et se succèdent bien trop vite. The Greatest Showman marquera le public par son ultime coup d’éclat trompeur : la poudre de paillette vient à bout de n’importe quelle vérité.

Aurya
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le 11 févr. 2018

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