Décevant, mais bien filmé, contenant d'excellentes scènes

Eli Roth aime l’horreur, aime le gore. Mais de mon côté, ces films me posent un souci, et un gros. Non pas que ces films soient mauvais, le monsieur sait gérer une caméra, rythmer un métrage, mais entre la communication pour vendre le film et le résultat final, il y a un souvent un fossé. Hostel était vendu comme un des films les plus chocs qui soit, ce qu’il n’était absolument pas, en plus de mettre quasiment une heure à démarrer. Eli Roth pour moi, c’est un honnête artisan, mais aussi un homme qui a du mal à ne pas mettre de second degré dans ses métrages, alors qu’il les vend sérieusement. Bref, il aura pu finalement se lancer en 2013 dans un projet lui tenant à cœur : The Green Inferno. Et quand on connaît un peu le genre et les goûts d’Eli Roth, on sait immédiatement à quoi il veut rendre hommage.


The Green Inferno était en 1980 le titre de travail de… Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, que Eli Roth adore (il lui avait offert un caméo dans Hostel 2). Et encore une fois, un film vendu comme terrifiant, gore au possible, insoutenable, sans concession ! Trop violent pour les salles françaises, faisant chez nous du métrage un film e-cinema : uniquement disponible en VOD donc… Un procédé me dépassant, car malgré mon opinion de base sur le cinéma d’Eli Roth, on ne pourra pas dire qu’il n’est pas passionné, et quand l’on regarde les sorties en salles chez nous, on se dit qu’un petit Green Inferno aurait été dépaysant, et probablement bien meilleur que les films de genres que nous avons (Normal Activity 42 et Found Footage Torché 741). Bref, parlons un peu du film en lui-même, tout de même ! The Green Inferno donc, un film qui faillit ne jamais sortir (sortie retardée, problèmes juridiques, blablabla) et parlant de cannibales. Roth va-t-il enfin nous faire un vrai film sans concession ? Surtout quand on pense qu’il veut donc rendre hommage au très bon Cannibal Holocaust, on pense immédiatement à une descente aux enfers, un film noir et sans espoir. Manque de bol, malgré d’indéniables qualités, Roth reste Roth, et ne peut s’empêcher de mettre un certain second degré dans son métrage. Mais The Green Inferno reste malgré tout un métrage intéressant. Fragile souvent, mais intéressant.


Comme souvent, Roth prend son temps avant de faire vraiment débuter son métrage. Mais là, il ne cède pas à la facilité des jeunes qui ne pensent qu’au cul façon American Pie, alors qu’il dépeint encore une fois de jeunes adultes, des étudiants. Ici, il nous présente Justine qui rejoint un groupe d’écolo qui partent en mission afin d’empêcher la destruction d’une forêt et d’un village au Pérou. Non sans humour, Eli Roth place quelques thèmes qui font mouche, même s’il cède à la facilité dans le traitement. Ainsi, la bande d’écolo qui part en mission sera finalement plus intéressée par les réactions sur twitter de la part des internautes vis-à-vis de leurs actions plutôt que par les conséquences même. Eli Roth dépeint donc ces personnages rejoignant une cause pour de mauvaises raisons. Même Justine rejoint le groupe pour de mauvaises raisons au départ, et regrettera amèrement son choix, avant même l’arrivée de l’horreur pure dans le film, lorsqu’elle se retrouvera avec des militaires qui n’hésiteront pas à la menacer avec une arme à bout portant, faisant finalement d’elle un simple objet que les autres manipulent pour arriver à leur fin. Ce genre de groupe en prend donc pour son grade. Mais attendez… et les cannibales dans tout ça ? Oui oui, ils sont bien là, arrivant au bout de 40 minutes. Une heure de cannibalisme pur et dur donc ? Plus ou moins oui. Eli Roth va même surprendre durant une bonne vingtaine de minutes purement maîtrisées, et dénuée d’humour. On a envie de dire : bordel que ça fait du bien de le voir aller dans cette direction ! En plus de nous livrer un crash d’avion plutôt réaliste et impressionnant, Roth soigne l’arrivée de ces cannibales. L’arrivée dans le village est ainsi un moment clairement réussi, sans doute le plus réussi du métrage d’ailleurs. Un moment fort, tendu, malsain, qui donne des frissons dans le dos. Pas d’humour, pas de dialogue, juste une horreur humaine dans toute sa splendeur. L’ambiance est lourde, le gore malsain et réaliste, on se retrouve plongé en enfer ! Ce que l’on attendait du métrage.


Malheureusement, Eli Roth va changer la donne par la suite, et ne va pas pouvoir s’empêcher de mettre des situations par moment un peu décalées dans son métrage, ce qui le rapproche certes de quelques séries Z italiennes des années 80 surfant justement sur le succès de Cannibal Holocaust, mais qui vient ici retirer la tension du film. Son humour aura beau être très malsain (mais je ne révélerais rien) et même divertissant, mais il retire l’horreur du métrage, sa tension. Comme si Eli Roth voulait rendre hommage au genre dans son intégralité, avec ses métrages sérieux comme peu sérieux, et n’avait donc pas réussi à choisir son camp. Il se fait alors presque trop gentil par moment (enfin pas trop quand même je rassure, ça tâche pour certains personnages), ou plutôt optimiste, dans un métrage qui aurait du aller à fond dans la direction opposée, en ne nous laissant aucun espoir, aucune chance de respirer. Alors oui, The Green Inferno au final, c’est un autre métrage d’Eli Roth, qui ne peut pas s’empêcher de mettre un brin d’humour comme pour venir nous rappeler que tout ceci n’est que du cinéma. Si on peut être encore une fois déçu du résultat dans son ensemble, The Green Inferno demeure pourtant un bon métrage, contenant quelques scènes fortes ! Mais surtout, c’est un film de cinéma, un vrai, qui aurait mérité une sortie en salle. Fait surprenant également, on se rend rapidement compte que le réalisateur rend finalement surtout hommage au Dernier Monde Cannibale de Deodato (réalisé trois ans avant Cannibal Holocaust), en reprenant certaines idées et certaines scènes.


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Rick_D__Jacquet
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le 31 janv. 2016

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Rick Jacquet

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