Parce qu’une vingtaine de connards ayant la même couleur de peau que lui s’est offert un aller simple contre les tours du World Trade Center, Ali a gagné un aller simple pour Guantanamo. Après huit longues années passées dans cette station balnéaire mais-où-y’a-pas-la-mer, reconnue pour son sens de l’accueil et de la dignité humaine, son quotidien s’améliore sensiblement grâce à l’arrivée d’une nouvelle recrue plus douce et avenante que les gardiens habituels – ce qui n’est pas peu dire quand on parle de Kristen Stewart. Tous deux vont nouer une relation amicale.
Tout, de l’affiche digne de BATTLESHIP au scénario en passant par l’absence de distribution au cinéma, rendait ce projet douteux. On imaginait déjà le film de série B bourré de testostérone et de patriotisme. Mea culpa, mea maxima culpa, l’habit ne fait pas le moine, etc.
CAMP X RAY est un joli film, solide, mais qui a surtout l’intelligence de refuser catégoriquement toute facilité scénaristique : romance, manichéisme (pauvres prisonniers détenus maltraités, méchants gardiens bourrins) et moralité démago-grandiloquente sont ainsi balayés au profit d’une réflexion subtile sur les notions d’humanité et de pouvoir. Quelle différence fondamentale et ontologique existe-t-il entre les détenus et les gardiens ? Le pouvoir réside-t-il dans une décision arbitraire, une institution qui se matérialise par des symboles dérisoires (rôle central des portes qui, tout au long du film, séparent, cloisonnent et freinent) ?
Le réalisateur nous invite à réfléchir à ces questions par une série de parallélismes qui soulignent, derrière la distance apparente, les similitudes qui existent entre « vainqueurs » et « vaincus » : cérémonial de la prière ou du salut au drapeau, pression du groupe sur l’individu, dénigrement de la femme… Comme Ali le fait très justement remarquer à Amy (là encore, les noms poussent au rapprochement), tous sont coincés sur cet île contre leur gré, même s’ils ne sont pas du même côté de la porte des cellules. Ce que va découvrir la jeune Amy, portrait typique de la jeune Américaine enfermée dans sa province, c’est que la violence tout comme le respect sont des cercles qui s’auto-alimentent. Traite-moi comme un chien et je serai bête ; regarde-moi comme un homme et nous éviterons de nous détruire. Et malgré tout cette porte, qui empêche les protagonistes de nouer des liens. La conclusion du film est implacable de justesse : la relation d’Amy et Ali n’est ni amicale, ni tout à fait respectueuse ; elle ne peut pas l’être. Elle est humaine, et c’est déjà pas mal.